Plus on gravit les échelons professionnels, moins on trouve de femmes. Il arrive souvent que les femmes soient forcées de rivaliser les unes avec les autres pour des postes limités ou une place à table. Selon Jan Campbell et Betty Hines, les dirigeantes doivent plutôt unir leurs efforts pour collaborer, élaborer des stratégies, pleurer et célébrer. Et lorsque vous êtes assise à cette table, regardez autour de vous pour voir qui doit se faire entendre.

 

Betty Hines :
Vous ne survivrez pas si vous êtes animés par un esprit de compétition, surtout dans le contexte actuel. Vous n’êtes pas en compétition. Vous essayez de vous compléter mutuellement.

Lisa Bragg :
Le plancher collant, le plafond de verre, le tuyau percé, le syndrome du grand coquelicot et une foule d’autres termes sont utilisés pour décrire les obstacles importants qui se dressent devant les femmes sur le marché du travail, qu’elles soient de simples employées ou des propriétaires d’entreprise. Bon nombre d’entre elles sont également touchées par la récession qui frappe plus durement les femmes dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Cela dit, je crois fermement au vieux précepte qui veut qu’une marée montante soulève tous les bateaux, mais que se passera-t-il si l’économie ralentit? Comment pouvons-nous conserver une mentalité d’abondance, peu importe la conjoncture économique? Je m’appelle Lisa Bragg et voici Audacieu(se), un balado relatant des histoires de femmes qui se distinguent, destiné à leurs semblables, et qui vous est présenté par BMO pour Elles. Dans cet épisode, je change un peu la formule en recevant deux invitées. Je m’entretiens avec Jan Campbell, une Canadienne qui a fondé StrategiSense Consulting et qui travaille à titre de conseillère en stratégies et en transformation pour les cadres supérieurs. Je discuterai également avec Betty Hines, une Américaine qui œuvre comme stratège auprès des dirigeantes et les entrepreneures. Elles dirigent toutes deux leurs propres groupes de leadership et de coaching qui permettent aux femmes d’échanger.

Lisa Bragg :
Alors, Betty, commençons par vous. Votre parcours est long et impressionnant et je sais que vous avez conseillé de nombreuses personnes au cours de votre carrière. Pourriez-vous nous raconter comment vous avez commencé?

Betty Hines :
J’ai grandi dans une toute petite ville américaine d’environ 3 000 habitants et je suis fille de militaire. J’ai fréquenté une grande université – nous n’étions que 45 étudiants de premier cycle dans mon programme – puis j’ai rejoint le secteur des affaires américain et c’est là que j’ai commencé à socialiser. J’ai travaillé en entreprise et gravi l’échelle organisationnelle. On me demandait toujours si j’étais prête à me déplacer, alors au début de ma carrière, j’ai dû déménager huit fois. Les femmes doivent toujours répondre qu’elles sont prêtes à se déplacer. Ensuite, j’ai décidé de fonder une compagnie d’assurances multirisques. Malheureusement, le moment était mal choisi, car les événements du 11 septembre et l’affaire Enron sont survenus. J’ai rapidement mis fin aux activités de l’entreprise et je suis devenue consultante. Au cours des 15 dernières années, j’ai travaillé avec des femmes propriétaires d’entreprise qui exploitent des sociétés de plusieurs millions de dollars et quelques milliardaires.

Lisa Bragg :
Jan, lorsque vous parlez de votre parcours, vous aimez dire que vous avez toujours cherché à progresser. Pourriez-vous nous en dire plus?

Jan Campbell :
Je crois que je me suis habituée à être la seule femme noire dans les endroits que je fréquentais. Tout d’abord à l’école secondaire et à l’université, puis dans les différentes entreprises où j’ai travaillé. J’ai commencé ma carrière en tant qu’administratrice dans le secteur des soins de santé. À l’époque, personne ne me ressemblait dans mon milieu, encore moins au sein de la haute direction, et j’ai vu là une occasion. J’ai été recrutée pour travailler dans une des cinq grandes sociétés de services-conseils en gestion et j’ai voyagé partout au pays, ainsi qu’en Amérique du Nord principalement. J’ai participé à des projets très intéressants sur l’établissement de stratégies, l’efficacité organisationnelle et la réingénierie pour cette société, et j’ai collaboré avec de nombreux types d’organisations et de leaders.

Jan Campbell :
Cependant, dans la société où je travaillais, il n’y avait pas de femmes noires qui occupaient des postes de haute direction ou qui étaient partenaires, et très peu de personnes de couleur étaient affectées à des postes de leaders. Je n’oublierais jamais la conversation que j’ai eue un jour avec un de mes mentors dans le couloir du bureau. Je venais d’obtenir une promotion, donc j’étais vraiment enthousiaste, et ce mentor, qui était noir, m’a dit : « Tu sais, l’accès à des postes supérieurs est limité pour toi ici. Et je me suis dit : « C’est faux, je sais que je peux y accéder ». C’est à ce moment que j’ai vraiment commencé à me rendre compte de tous les défis auxquels j’étais confrontée. C’était dans les années 1990. Je me suis aperçue qu’on m’empêchait de saisir des occasions avec les clients et mes collègues, même si l’entreprise comptait d’excellents mentors. C’est grâce au soutien, aux conseils et aux encouragements de mon mentor que j’ai fait le saut. Il m’a demandé : « Pourquoi ne quittes-tu pas l’entreprise au lieu d’être limitée par des contraintes injustes? Crée ta propre entreprise. »

Jan Campbell :
C’est donc ce que j’ai fait. Je me suis lancée dans la création de ma propre société d’experts-conseils. Il existait un créneau et une occasion d’affaires, parce que peu de femmes noires offraient les services que j’allais proposer, c’est-à-dire se consacrer majoritairement aux organismes sans but lucratif et les organismes du secteur public. Et j’ai du travail depuis le premier jour.

Lisa Bragg :
Je suis ravie de l’apprendre. Parce que nous avons toutes les trois changé plusieurs fois de postes. Beaucoup de gens sont persuadés que la vie est un parcours linéaire, qu’il faut étudier, puis suivre un plan pour obtenir sa permanence et cocher toutes ces cases. Mais nous savons aujourd’hui que les plans s’écroulent, que les obstacles sont plus importants pour certaines personnes que pour d’autres et que nous sommes appelés à changer plus souvent de poste que nous ne l’aurions imaginé. La réalité, c’est qu’aucun plan ne peut être suivi à la lettre à long terme. Comment aidez-vous les gens à se redéfinir dans le cadre de votre travail? Betty, je vous cède la parole en premier.

Betty Hines :
Pour que les femmes se redéfinissent dans notre pays, je leur dis qu’elles doivent accroître leurs activités et soutenir l’avancement d’autres femmes. Je dis tout cela parce qu’au Canada, moins de 3 % des femmes gagnent un revenu brut de plus d’un million de dollars. Si on répartit cette statistique par origine ethnique, moins de 0,5 % d’entre elles sont des femmes de couleur. Il est donc essentiel pour ce demi-pour cent de femmes de couleur de collaborer davantage entre elles et d’établir plus de contacts. C’est ce qu’elles ont fait avec brio, et je trouve que ce groupe consultatif de pairs a été très bénéfique pour les femmes de couleur. À l’heure actuelle, mon groupe est très diversifié, mais je vise les 97 % restants.

Betty Hines :
Comment peut-on se redéfinir, surtout dans une période comme la pandémie? La formation de ce groupe consultatif de pairs et le fait de rendre hommage au travail d’autres femmes suffisent pour que les femmes prennent conscience de certaines choses et commencent à se redéfinir. Il y a quelques années, Maya Penn, une jeune entrepreneure qui s’est lancée en affaires à l’âge de huit ans, m’a dit : « Il y a assez de place pour tout le monde sur le marché. » Et cela m’a interpellé. J’ai donc utilisé ces termes et cette façon de voir les choses avec les femmes avec qui j’ai travaillé. « Voici ce que vous devez faire. Il y a de la place pour chacun de vous. » La seule façon de se redéfinir, c’est en collaborant [inaudible 00:06:48].

Jan Campbell :
Je crois que nous sommes constamment engagées dans un processus d’évolution, de changement et de croissance, et que nous devons toujours réfléchir aux prochaines étapes à suivre pour éventuellement nous réorienter ou nous redéfinir, en fonction de la façon dont nous définissons cette transformation. Tout d’abord, j’encourage mes clientes propriétaires d’entreprise ou mes clientes de coaching à d’abord établir ce qu’elles veulent transformer. Que voulez-vous transformer? Où vous situez-vous à l’heure actuelle et où voulez-vous vous rendre? Elles doivent déterminer en quoi elles veulent se redéfinir. Nous avons tendance à chercher des exemples, de l’approbation et des indicateurs de réussite à l’extérieur de nous-mêmes, mais j’encourage toujours mes clientes à chercher à l’intérieur d’elles-mêmes. Je les invite à chercher et à définir ce qu’elles veulent au plus profond d’elles-mêmes. Veulent-elles changer de carrière ou peut-être de situation familiale? Je travaille en ce moment avec une dirigeante qui m’a dit : « J’aimerais vraiment développer une relation amoureuse. » Vous voyez? Les femmes doivent déterminer ce qu’elles veulent changer et commencer à poursuivre ce but, parce que les choses ne se feront pas d’elles-mêmes, surtout dans le contexte de la pandémie alors que nous sommes confinées à la maison. Puis, elles doivent regarder à l’extérieur.

Jan Campbell :
Un peu comme le disait Betty, il faut chercher à l’extérieur, se tourner vers des groupes de soutien, des mentors et des personnes inspirantes desquelles vous pouvez apprendre, mais il faut commencer par un travail d’introspection pour déterminer ce que vous voulez vraiment. Il faut ensuite chercher à l’extérieur le soutien, les idées, le dynamisme, les partenariats et les groupes de soutien qui peuvent vous aider à aller de l’avant. Nous vivons dans un monde où tout va à vive allure et où il est difficile de se concentrer. Il est donc essentiel de faire ce travail d’introspection dans le calme avant d’établir comment nous comptons nous réorienter ou nous redéfinir dans la vie.

Lisa Bragg :
Oui. Il y a certainement beaucoup de bruit en ce moment. On dit qu’une marée montante soulève tous les bateaux, mais certaines personnes commencent à établir des prévisions fondées sur l’idée que l’économie ralentira. Les femmes chercheront-elles du soutien et soutiendront-elles leur avancement mutuel à mesure qu’elles iront de l’avant? On parle beaucoup de la concurrence entre femmes et de la façon dont nous devenons parfois nos propres ennemies. Vous êtes toutes les deux des leaders de groupes. Que nous conseillez-vous pour conserver une mentalité d’abondance afin de soutenir et d’aider les femmes à s’élever entre selles, au lieu de se diminuer et de chercher à avoir le dessus sur les autres?

Betty Hines :
Je crois que nous avons une perception erronée. C’est une perception erronée. Je crois que c’est une idée qui circule, que c’est simplement ce que vous avez entendu toute votre vie et que cela dépend de votre culture. Dans les groupes avec lesquels je travaille en ce moment, j’insiste sur l’importance de savoir comment exprimer sa gratitude afin d’adopter une mentalité d’abondance. Vous devez être en paix avec vous-même, sinon, vous ne pourrez pas l’être avec les autres. Beaucoup de femmes réaffirment le principe que nous appliquons lors de chacune de nos rencontres mensuelles, selon lequel nous ne sommes pas en compétition, mais que nous devons essayer de nous compléter les unes les autres. Elles doivent se demander : « Comment pouvons-nous conseiller les autres participantes ou les aider à résoudre certains des problèmes majeurs auxquels leur entreprise fait face? »

Betty Hines :
Il faut cultiver cet optimisme et se concentrer sur la façon dont elles peuvent collaborer, car la collaboration nous rend plus fortes. Nous sommes beaucoup plus fortes quand nous collaborons que quand nous agissons seules. Il faut le leur démontrer de façon continue. Il faut également leur présenter des exemples. Il faut toujours leur fournir des exemples de réussite et des témoignages, car cela les emballe et les motive à en faire plus et à entrer en contact avec d’autres personnes. Je crois que cette façon de penser n’était pas commune, mais nous apprenons, surtout maintenant, que si vous êtes animées par un esprit de compétition, vous ne survivrez pas.

Betty Hines :
C’est d’autant plus vrai chez les femmes; nous avons besoin de socialiser comme nous le faisons au moyen de Zoom ou des balados, parce que cela nous permet d’engager un processus créatif et un processus de réflexion pour nous aider à surmonter certains des problèmes que nous croyons avoir. En fait, personne ne fait face à un problème inédit, il y a toujours quelqu’un qui a vécu la même chose. Ainsi, lorsque vous parlez de votre expérience à quelqu’un, que vous pouvez vous tourner vers cette personne et qu’elle peut vous aider à résoudre votre problème, cela crée un lien. Et je crois que ce lien calme l’esprit de compétition, parce qu’en fait vous êtes en compétition avec vous-même pour vous améliorer. Il faut vraiment abandonner cette idée que lorsque nous sommes en compétition, nous sommes en compétition avec d’autres femmes.

Jan Campbell :
Betty, nous pensons de façon très similaire. Nous ne rivalisons pas avec les autres femmes, mais contre nous-mêmes, et contre notre perception de nous-mêmes et notre façon de nous diriger vers des éléments extérieurs en quête d’approbation. Et je crois qu’en regardant les autres femmes, bon nombre d’entre nous…

Jan Campbell :
… d’approbation. Et je crois qu’en regardant les autres femmes, bon nombre d’entre nous avons tendance à nous comparer à elles, au lieu de les voir comme des modèles de femmes qui ont réussi.

Betty Hines :
En effet.

Jan Campbell :
Nous nous comparons à elles sur des aspects comme l’apparence, les réalisations en général ou au sein d’une organisation, nos rôles de leader ou d’entrepreneure, la richesse, le fait d’être mariée ou en relation. Mais nous ne voyons pas les femmes pour qui elles sont vraiment et pour leur humanité. Je suis tout à fait d’accord avec les exemples que Betty a donnés, à savoir qu’il faut établir des liens avec d’autres femmes et se trouver une tribu. Le problème est peut-être en partie dû au fait que nous nous trouvons dans une situation qui ne correspond pas entièrement à nos valeurs et que ce n’est pas ce que nous voulons vraiment. De nombreuses recherches ont été effectuées sur la compétitivité. Il y a aussi des raisons qui l’expliquent dans la psychologie évolutionniste et la psychologie féministe. Certaines personnes disent qu’elle découle notamment de la sélection naturelle et du fait que nous essayons de nous protéger et de réussir en tant qu’espèce. D’autres disent que c’est notre façon d’intérioriser le patriarcat.

Jan Campbell :
Je crois qu’il peut être utile de comprendre ce que nous vivons en tant que femmes et personnes non binaires qui s’identifient comme des femmes. Je crois qu’il y a moyen d’analyser et de comprendre les expériences que nous vivons, les hypothèses et peut-être les conclusions que nous tirons lorsque nous nous nous jugeons comme inférieures ou supérieures aux autres. Mais au bout du compte, je crois qu’il faut entrer en contact avec d’autres femmes, passer du temps ensemble, tisser des liens, partager dans des espaces qui cadrent avec ce qui compte pour nous, avec nos valeurs, ce que nous représentons et ce que nous essayons d’accomplir avec d’autres personnes qui pensent comme nous. Il peut aussi s’agir d’espaces qui nous permettent d’aller au-delà des comparaisons pour voir ce que nous avons en commun et ce que nous essayons d’accomplir ensemble.

Lisa Bragg :
C’est un très beau discours. Et vous m’inspirez beaucoup toutes les deux. Mais pour beaucoup de gens, la réalité, c’est que les femmes et les hommes jugent les femmes plus sévèrement. Jan, vous l’avez déjà mentionné. Les attentes sont encore plus élevées envers les femmes de couleur, et c’est ce qui empêche certaines personnes de diriger. Et bien entendu, vous en savez toutes les deux beaucoup plus long que moi à ce sujet. Mais comment pouvons-nous éviter que les entreprises adoptent cette mentalité qui fait en sorte qu’aussi peu de femmes accèdent à des postes de direction?

Betty Hines :
Jan, voulez-vous commencer?

Lisa Bragg :
C’est une question complexe. Elle concerne plusieurs aspects. Elle est très complexe. Il y a beaucoup…

Betty Hines :
Non, c’est un sujet que je connais bien.

Jan Campbell :
Oui. C’est une question compliquée.

Lisa Bragg :
Oui.

Jan Campbell :
Pas vrai? C’est une question compliquée. Je crois que nous devons reconnaître qu’il s’agit d’un problème multidimensionnel. Il existe un éventail de facteurs qui peuvent mener et contribuer aux choix qui sont faits : il arrive souvent que les femmes soient affectées à un poste pour respecter un quota, et les femmes noires ou de couleur, pour respecter un quota ethnique, et ce, sans obtenir le soutien, les ressources et l’autorité nécessaires pour accomplir leur travail, et sans bénéficier d’une reddition de comptes. Il s’agit d’un problème complexe et à multiples facettes. Et je crois qu’il réside essentiellement dans les valeurs de l’organisation.

Jan Campbell :
Vous demandez comment nous pouvons éviter que cela se produise. Je crois qu’il faut d’abord cerner les intentions des organisations en question. Si elles disent qu’elles veulent que les minorités visibles soient davantage représentées, il faut savoir pourquoi. Les organisations veulent-elles que les minorités soient davantage représentées pour pouvoir tirer parti de nouveaux points de vue à la table de prise de décision ou pour cocher une case? Elles veulent cocher une case, bien paraître publiquement et respecter les normes sociales. Les stratégies évoluent dans la société en ce qui concerne la représentation accrue des femmes noires et de couleur à ces tables. Ou ces entreprises et ces organisations croient-elles qu’il est préférable que les minorités soient représentées de façon diversifiée à leur table de prise de décision? Je crois qu’il faut d’abord tenir ce genre de conversation et qu’il faut aussi que des gens comme moi, des coachs et des conseillers qui guident ces organisations, aient le courage de pousser nos clients à se remettre en question.

Jan Campbell :
Je reçois souvent des demandes de clients qui me disent : « Nous avons 60 jours pour pourvoir un siège au conseil. Pouvez-vous m’aider à trouver quelqu’un pour l’occuper? » Voyons ce que vous avez mis en place au sein de votre organisation. Ils me disent aussi : « Nous avons un poste à pourvoir au sein de notre organisation. Nous cherchons un leader noir ou racialisé, ou une femme pour occuper le poste. » Parlons de la culture de l’organisation, de ce qui est en place et du rôle que vous cherchez à pourvoir. La personne aura-t-elle le pouvoir d’agir nécessaire? Recevra-t-elle le soutien dont elle a besoin? Dans quelle mesure êtes-vous prêt à soutenir la personne qui devra probablement assumer seule toutes les tâches liées à son poste? Il faut avoir le courage de tenir des conversations non seulement sur la représentation et le fait de cocher des cases, mais aussi sur ce que cela signifie de véritablement favoriser l’inclusion et la diversité pour ces postes de prise de décision. Il faut également veiller à ce que la culture et les ressources à la disposition de ces personnes puissent favoriser leur réussite, car lorsqu’elles réussissent, l’organisation réussit.

Betty Hines :
Merci de poser la question. Mais je peux vous dire que c’est un sujet dont je discute depuis un certain temps, depuis des années en fait. Tout d’abord, nous devons reconnaître que le problème existe et cesser de vivre dans le déni. Peu importe s’il s’agit d’un préjugé inconscient ou non. Voilà pourquoi tout à coup, vous regardez sur LinkedIn, et un profil sur deux appartient à un directeur ou un agent Diversité, équité et inclusion. Et ces postes ont été créés pour une raison. Le problème existe et les chiffres le prouvent. Pour lutter contre ce problème, vous devez examiner les faits. Je vous ai dit que, selon les statistiques, le nombre de femmes de couleur qui gagnent plus d’un million de dollars correspond à moins de 0,5 % des femmes, toute origine ethnique confondue. La plupart d’entre elles gagnent environ 122 000 $. Elles n’accèdent pas à des postes de niveau supérieur. Pourquoi n’accèdent-elles pas à des postes de niveau supérieur? J’ai pu constater que c’est à cause du manque d’accès à l’information et aux possibilités d’ascension.

Betty Hines :
Nous en apprenons de plus en plus sur les façons d’accéder au capital en tant que personnes de couleur et femmes noires. Il existe de la littérature sur le sujet et vous pouvez vous renseigner abondamment. Mais ce que vous ne pouvez pas faire, c’est de faire en sorte que les entreprises vous offrent les mêmes occasions d’emploi qu’aux personnes qui n’appartiennent pas à des minorités. C’est un problème très courant. C’est pourquoi il est reconnu par l’organisation avec laquelle je travaille en ce moment. C’est aussi pourquoi, en essayant de surmonter ces obstacles, nous avons mis sur pied et lancé l’initiative Women of Color, dans le cadre de laquelle nous avons voyagé dans plus de 20 villes sur 10 ans pour recruter des femmes noires au sein de l’organisation afin qu’elles aient accès aux mêmes occasions que les femmes qui n’appartiennent pas à des minorités. D’autres projets de ce genre doivent être créés. C’est un travail qui doit être fait intentionnellement.

Betty Hines :
Je vais vous raconter une brève histoire. Je vous ai parlé d’accès à l’information, et lorsque j’occupais un poste de direction dans une des entreprises pour laquelle j’ai travaillé… C’était avant les ordinateurs portatifs. Des renseignements étaient transmis aux dirigeants et nous devions rayer notre nom sur la liste quand nous en avions pris connaissance. Je n’oublierai jamais le jour où j’ai participé à une réunion régionale avec tous les dirigeants. Nous étions probablement une centaine. Ils me posaient des questions et je n’avais aucune idée de ce dont ils me parlaient. Pourquoi n’avais-je aucune idée de ce dont ils me parlaient? Parce qu’un de mes collègues dirigeants avait reçu le document avant moi et m’avait exclue en ne me le transmettant pas. Heureusement, comme j’ai toujours été sympathique avec tout le monde, un des gardiens m’a dit : « Je viens d’apprendre ce qui vous est arrivé pendant la réunion. Telle personne ne vous transmet pas les renseignements. Je vide la poubelle chaque soir et j’ai vu que votre nom n’a pas été barré sur la liste parce qu’il ne vous a jamais transmis ces renseignements. »

Betty Hines :
Cette anecdote s’est produite alors que je travaillais pour une entreprise américaine. Mais le manque d’information et d’occasions est un problème généralisé. Si je ne reçois pas les renseignements, je ne peux pas faire mon travail. Les conditions ne sont pas équitables et nous n’avons pas accès à des chances égales. Nous devons nous efforcer de rétablir l’équité. C’est pourquoi j’ai fondé mon groupe actuel qui soutient l’avancement des femmes et qui est formé entièrement de femmes de couleur. Notre but est de transmettre ces renseignements à d’autres femmes. Car cela fait défaut. Notre pays doit en être conscient. Cela doit être fait intentionnellement, car nous sommes désavantagées. Les femmes de couleur sont désavantagées. Nous n’avons pas de place à la table de prise de décisions. Certaines personnes disent : « Construisez votre propre table. » Mais si on ne vous donne pas de scie, de marteau et de clous pour la construire, vous n’aurez toujours pas de place à la table.

Betty Hines :
Il s’agit d’un sujet très délicat pour moi, et je crois qu’il y a grandement place à l’amélioration.

Lisa Bragg :
Nous ne pouvons pas toujours tout savoir. Le fait d’avoir des gens et des groupes de personnes est un formidable coup de pouce. Comment pouvons-nous continuer à servir de lien afin d’aider la prochaine génération ou les gens qui viendront après nous de différentes façons? Comment arrivez-vous toutes les deux, par l’intermédiaire de vos groupes, à encourager les autres à adopter cette mentalité?

Betty Hines :
Je vais vous dire une chose que je dis aux membres de mon groupe : « Soutenez l’avancement des autres pendant votre ascension. » À mesure que vous excellez, aidez quelqu’un d’autre à avancer. L’un de mes piliers correspond à la transmission de cette culture. Il est important de transmettre cette culture aux jeunes adultes, aux jeunes femmes qui font partie de la prochaine génération, qui sont à l’université ou qui envisagent de s’inscrire à un programme d’entrepreneuriat. Il est important de soutenir l’avancement des autres pendant votre ascension. Quelqu’un a ouvert la voie pour vous et vous avez la responsabilité de l’ouvrir pour quelqu’un d’autre. Et si vous n’êtes pas en paix avec vous-même et avec qui vous êtes, vous ne pourrez pas le faire. Il est donc important que vous établissiez le niveau, et que ces femmes aient une bonne opinion d’elles-mêmes et de leurs réalisations. Il ne s’agit pas d’être en compétition avec quelqu’un d’autre. Nous, les femmes de couleur, avons tendance à ne pas accepter qu’on nous fasse des compliments ou qu’on souligne nos réalisations. Nous disons : « Oui, j’ai fait cela. » Nous sommes très modestes lorsque nous recevons un prix parce que nous avons réalisé quelque chose d’exceptionnel.

Betty Hines :
Nous sommes dans les affaires depuis 21 ans. Comme Lisa. La plupart des entreprises ne survivent pas plus de cinq ans. Pourtant, exploiter une entreprise prospère est une grande réalisation. Nous devrions louanger Lisa en permanence et de toutes les manières possibles. Mais nous ne sommes pas à l’aise de le faire. Tant que nous ne serons pas en mesure d’accepter un compliment, d’instruire les autres et de soutenir mutuellement notre avancement, cela ne se produira pas. Nous devons donc apprendre à être à l’aise avec nous-mêmes, à soutenir mutuellement notre avancement, à transmettre cette culture et à donner l’exemple en adoptant ce comportement. Les gens croient en effet ce qu’ils voient, et si vous ne vous comportez pas de cette façon, les choses n’évolueront pas. Nous devons donc nous-mêmes adopter ce comportement pour donner l’exemple.

Jan Campbell :
Je crois aussi que vous devez être disposées à tenir des conversations difficiles, car si vous ne pouvez pas discuter, par exemple, de ce que c’est que d’être une femme noire après la tragédie de George Floyd… Pour beaucoup de femmes, parler de ces expériences… Ce n’est pas nouveau pour nous, mais c’est nouveau pour le reste du monde. Et maintenant, les femmes doivent participer à des conversations auxquelles elles ne sont pas habituées ou préparées, qui provoquent des réactions chez elles ou qui les bouleversent parce que…

Jan Campbell :
… préparées, qui provoquent des réactions chez elles ou qui les bouleversent en raison du rôle qu’on leur demande de jouer. Par exemple, on leur demande d’éduquer leur équipe ou leurs collègues et de répondre à des questions sur la justice sociale, la race et le racisme, alors que cela ne fait pas partie des responsabilités comprises dans leur poste. Elles se disent : « Je suis comptable ou médecin, et je dois maintenant offrir du soutien et de la formation. »

Jan Campbell :
Il faut créer des endroits où les femmes peuvent exprimer leurs besoins, dire ce qu’elles recherchent et obtenir des conseils et du soutien auprès des autres. Je crois que nous avons l’occasion de créer ces endroits et qu’il est très important de le faire de façon adéquate. Un endroit où elles peuvent être tristes, célébrer, apprendre, danser et parler de tout ce que les femmes de notre réseau ont réalisé récemment. Un endroit où se plaindre et se défouler, et où toutes les femmes sont les bienvenues. Ces moyens peuvent être formels, comme des réseaux, ou prendre la forme d’une simple note pour demander de l’aide, notamment à un ami. Mais je crois que nous devons toutes nous rappeler que nous ne sommes pas seules et que nous devons demander de l’aide aux autres, et trouver une communauté, que ce soit en voyant une personne à la fois ou en fréquentant plusieurs endroits et plusieurs personnes en même temps.

Betty Hines :
Exactement, et je tiens à féliciter votre leadership pour la communauté noire. C’est magnifique, car je crois que les femmes de pouvoir ont besoin d’un endroit où se réfugier. Ma fille, qui travaille pour une des sociétés américaines du Fortune 500, m’a dit : « J’en ai assez d’expliquer la condition des Noirs. Il y a eu le décès de George Floyd. Et maintenant, on me demande de lire un livre sur l’histoire des Noirs. C’est mon histoire. Je n’ai pas besoin de la lire. » Donc oui, je crois que nous avons besoin d’un endroit pour célébrer, et que nous devons célébrer davantage. Nous réalisons beaucoup de choses. Je sais que les gens parlent du Mois de l’histoire des Noirs, et dans ce pays c’est en février. Eh bien, nous célébrons leur histoire chaque jour.

Betty Hines :
Nous devons aider les femmes de couleur à se rassembler et leur permettre d’être elles-mêmes et d’exprimer leurs frustrations, sans devoir faire attention à ce qu’elles disent et à ce qu’elles font. Dans l’organisation avec laquelle nous collaborons, nous employons une expression qui dit qu’on se sent seule lorsqu’on est au sommet. On se sent très seule au sommet quand personne ne nous accompagne.

Lisa Bragg :
Les dirigeantes tombent aussi dans le piège de vouloir à tout prix être aimables, et nous ne nous sentons pas toujours libres d’être nous-mêmes. Lorsque vous faites partie d’une communauté qui regroupe d’autres dirigeantes de société ou entrepreneures, vous êtes unies par un lien qui vous permet de discuter et de vous accompagner mutuellement. Je crois qu’il est essentiel d’ouvrir nos cercles aux autres. Ensuite, beaucoup d’entre nous doivent éliminer le cloisonnement dont nous ne sommes pas conscientes, attirer plus de gens à nos tables et veiller à ce que plus de personnes participent à la conversation.

Jan Campbell :
Oui. Vous en parlez, Lisa, et cela me rappelle l’expérience et les conversations que nous avons souvent avec les femmes du Black Women’s Leadership Network. Les femmes noires et de couleur constatent que, dans leurs milieux de travail ou en tant qu’entrepreneures, peut-être moins en tant qu’entrepreneures, mais à tout le moins dans leurs milieux de travail, elles doivent constamment composer avec la pression de devoir modifier leur image pour être perçues comme étant moins problématiques, moins difficiles, moins différentes. En somme, elles doivent mieux se fondre dans leur milieu. Cela concerne notre façon de nous intégrer, d’exprimer nos opinions et d’aborder des sujets difficiles comme la race et le racisme, les microagressions, la diversité, l’inclusion, l’équité. Cela concerne aussi notre apparence, notre façon de nous habiller, nos cheveux et nos références personnelles à nos activités externes. Souvent, ces aspects de nous ont été mal accueillis ou perçus comme étranges ou différents dans les milieux de travail que nous avons fréquentés. Et cela exacerbe davantage le sentiment d’être différente. Donc, les communautés que nous créons, qu’elles soient formelles ou non, sont très importantes pour que nous nous sentions acceptées, écoutées et soutenues pour qui nous sommes dans les environnements où nous choisissons d’évoluer.

Betty Hines :
Comment élimine-t-on le cloisonnement et comment peut-on vivre en harmonie malgré les différences? Je crois que c’est très important. Nous discutons des différences avec le groupe avec lequel je travaille. Je dirais qu’un problème que j’ai remarqué, pas seulement chez les femmes, mais aussi chez les hommes, qui sont propriétaires d’entreprise et, très certainement, qui travaillent en entreprise, même si je ne travaille plus dans le secteur des affaires américain depuis un bon moment, c’est que les gens ne sont pas tellement à l’écoute. Regardez tous les groupes qui existent au sein des entreprises américaines. Il existe toute une variété de groupes de femmes, d’Hispaniques ou de Latino-Américains, de membres de la communauté LGBTQ ou d’affinité au sein des organisations, mais ils ne se parlent pas vraiment entre eux. Ils s’écoutent peu et ne se soucient pas vraiment de leurs différences respectives.

Betty Hines :
Je crois que nous aurons un problème à l’avenir en tant que pays et société tant que nous n’aurons pas appris à accepter les différences, les comportements et les cultures des autres, sans forcément être d’accord avec elles. J’aimerais que les différents groupes se réunissent au sein des entreprises américaines. C’est un phénomène qui est de plus en plus répandu au sein des organisations de femmes, mais il doit se répandre à l’échelle mondiale. Les gens doivent écouter et essayer de comprendre les autres, et faire preuve de plus d’empathie à l’égard des différences, au lieu de dire : « Je ne fais pas ça. Je n’aime pas ça. Vous faites partie d’un groupe différent du mien. » Les groupes sont trop segmentés, les efforts déployés pour les réunir ne sont pas suffisants, et les gens ne s’écoutent pas suffisamment et ne respectent pas assez les opinions des autres.

Jan Campbell :
Mon point de vue s’oppose peut-être au vôtre. Nous avons besoin de cloisonnements. Nous devons savoir qui fait quoi. Le cloisonnement précise les limites du travail et des postes et, dans le cas des groupes-ressources d’employés, des conversations prudentes selon les contextes. Comme Betty, je crois qu’il est important que ces groupes se réunissent et communiquent entre eux. Dans un contexte organisationnel, oui, le cloisonnement existe, car il permet d’établir clairement ce qui doit être fait, par qui, et de quelle façon nous devons parler ensemble au-delà de ces limites, qui ne doivent pas être infranchissables. Mais nous devons concevoir des façons intentionnelles de nous réunir autour d’un but commun, d’activités ou de responsabilités partagées qui constituent des occasions naturelles et un contexte pertinent pour converser.

Jan Campbell :
Ce changement ne pourra probablement pas être mis en place de façon durable. Il faudra plutôt l’intégrer à la façon dont nous travaillons. Il est utile dans un contexte organisationnel, et aussi dans les façons dont nous parlons du travail et des communautés de femmes. Je suis tellement reconnaissante et inspirée de voir que les femmes de mon réseau de leaders communiquent souvent avec moi. Ce sont surtout des femmes blanches qui communiquent avec moi afin que je les conseille, comme l’a fait Lisa, pour leurs balados, webinaires, événements en direct, conférences, ou même leurs billets de blogue ou publications sur Instagram. Cela leur permet d’inviter ou de mettre en vedette des femmes de couleur avec qui elles n’auraient pas eu l’idée de communiquer avant.

Jan Campbell :
Mais elles veulent apprendre, échanger et partager la vedette. Je constate qu’il est bénéfique de souligner le travail de ces femmes. Et j’espère sincèrement que ces invitations ne sont pas une mode passagère et ne servent pas à respecter un quota ou à gagner en popularité, mais qu’il s’agit d’une façon de déterminer comment progresser et adopter une mentalité plus inclusive en tirant parti de voix et de points de vue que nous n’avions pas avant. Les personnes qui ont communiqué avec moi au cours de la dernière année sont curieuses et m’ont demandé « Qui connaissez-vous? Avec qui pouvez-vous me mettre en contact? À qui puis-je m’adresser pour en savoir davantage sur tel sujet? Qui puis-je inviter dans les lieux que je fréquente? Parce que je reconnais que ces lieux me ressemblent beaucoup et que les points de vue qu’on y partage sont majoritairement semblables aux miens. »

Jan Campbell :
À l’avenir, il faudra certainement plus que ces invitations ponctuelles; il faudra trouver une façon plus durable de favoriser l’inclusion et de créer des lieux plus accessibles pour éliminer le cloisonnement, et pas seulement pour…

Betty Hines :
C’est vrai. C’est tout à fait vrai. Je crois que le travail de gens comme Lisa, Jan et moi-même est une première étape, car en ce qui concerne le cloisonnement, nous faisons souvent référence aux femmes blanches, aux femmes noires, et parfois, nous incluons la communauté LGBTQ. Mais il y a aussi les anciens combattants, les femmes handicapées. Il s’agit de groupes de personnes cloisonnées. Je n’aime pas le terme utilisé et la façon dont il est appliqué dans ce pays, tant pour les personnes qui font partie de communautés marginalisées ou qui s’identifient à celles-ci. Pourquoi ces communautés sont-elles qualifiées de marginalisées? Elles ne sont pas marginalisées. Ce sont les autres qui leur apposent cette étiquette.

Betty Hines :
Lors des dernières conférences que j’ai organisées en ligne en raison de la distanciation sociale, j’ai veillé à ce que chacun de mes piliers soit représenté, non seulement par des personnes de différentes communautés, mais aussi de différentes cultures. Il y avait des gens des Pays-Bas, de l’Afrique du Sud et du Royaume-Uni. Mais Jan a dit, et je suis d’accord avec elle, que vous devez agir de façon intentionnelle, car autrement, ce n’est pas authentique et les gens le sentent. Votre initiative échouera. C’est ce qu’on appelle le sixième sens, et il est particulièrement développé chez les femmes.

Lisa Bragg :
Il est tellement enrichissant de profiter de différents points de vue aux tables de décision, dans le cadre d’entrevues et partout ailleurs. Il y a très longtemps, je travaillais pour le téléjournal. À l’époque, nous cherchions des voix différentes pour les inviter à s’exprimer, plutôt que de donner la parole aux gens qui avaient toujours la vedette parce que c’était la solution la plus simple. Et nous ne pouvons pas nous contenter de choisir la solution la plus simple. Nous devons élargir nos perspectives pour laisser plus de gens s’exprimer, offrir des occasions et veiller à ce qu’il ne s’agisse pas d’invitations uniques, de modes passagères et de mesures prises dans le but de respecter un quota. Ce changement doit durer pour toujours, parce que toutes ces histoires enrichissent beaucoup notre expérience en tant qu’humains. Mais le plancher collant, le plafond de verre, le tuyau percé, le syndrome du grand coquelicot et les nombreux obstacles à l’avancement existent toujours. Je ne veux pas être déprimante, mais c’est la réalité. Comment pouvons-nous vraiment garder l’esprit ouvert, espérer surmonter les obstacles et poursuivre dans cette voie?

Jan Campbell :
Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Je vais vous dire une chose importante…

Jan Campbell :
Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Une chose que j’ai pu constater personnellement et que de nombreuses femmes de couleur que je coache ont rapportée, c’est que nous sommes souvent enfermées dans une catégorie. Par exemple, on m’invite à des tables de décision pour discuter de questions liées à ma vaste expérience dans le domaine de l’équité en matière de santé, des soins de santé et de la transformation du système de santé. Donc, on m’invite pour donner une voix aux personnes marginalisées et parler en faveur de l’équité en matière de santé pour les communautés racialisées.

Jan Campbell :
J’ai une maîtrise en administration des affaires. Je comprends bien l’économie de la santé, et les politiques et les systèmes de santé. Je suis familière avec le développement et les changements organisationnels, ainsi qu’avec la façon dont les systèmes fonctionnent ensemble. En raison de mes connaissances, j’ai par exemple été invitée à participer aux décisions financières du conseil d’administration d’un hôpital évalué à plusieurs milliards de dollars et à siéger au comité de la qualité des soins.

Jan Campbell :
J’ai également participé à certaines des activités du comité de gouvernance. Je n’ai pas été réduite à une catégorie à cause de mon expérience personnelle et du fait que j’ai grandi avec des parents de la classe ouvrière et que je m’identifie en tant que femme cisgenre et hétérosexuelle, je ne peux pas avoir un point de vue sur tous les sujets sur lesquels on me demande de m’exprimer. Voilà. En ce qui concerne les plafonds de verre et les planchers collants, il ne faut pas oublier qu’il existe une grande diversité chez les femmes et que ce n’est pas parce que vous avez recueilli le point de vue d’une femme ou d’une personne de couleur, qu’il correspond à celui de toutes les personnes de sa communauté. Nous avons tous des points de vue différents. Il ne faut pas oublier de ne pas confiner les gens à certains rôles en fonction de leur apparence; il faut aller au-delà de ça, et les inviter à se prononcer sur des sujets plus généraux.

Betty Hines :
Je crois que tant qu’il n’y aura pas de reddition de comptes, et dans le cas des entreprises américaines, c’est la même chose que pour la paie, nous ne devrions pas obliger les gens à changer. Mais tant qu’il n’y aura pas de reddition de comptes, il ne devrait pas se produire aux États-Unis des incidents comme ceux qui ont causé la mort de George Floyd ou de Breonna Taylor, qui déclenchent tout à coup un appel à l’action. C’est un problème systémique et on ne peut pas le faire disparaître du jour au lendemain. Ce doit être une pratique courante de se respecter les uns les autres. Tant que nous ne l’adopterons pas, nous ne pourrons pas combler cet écart. Je crois que je suis trop optimiste, mais c’est ma nature, et je m’entoure de personnes positives. Nous devons trouver un moyen de combler l’écart entre ces collectivités et prendre des mesures nécessaires. C’est la responsabilité des dirigeants. Si vous vous qualifiez de dirigeant, vous devez diriger tout le monde, pas seulement quelques personnes.

Betty Hines :
La dernière chose que je veux dire, c’est que j’ai formulé une phrase sur le fait d’expliquer la condition des Noirs. Dans l’un des groupes auxquels j’ai participé, j’étais la seule femme noire, ce qui n’est pas rare en soi, et on m’a demandé : « Quelle est votre opinion sur telle question? » C’est mon avis personnel. Je ne représente pas toutes les femmes entrepreneures noires aux États-Unis. Renseignez-vous. C’est votre responsabilité. Si vous avez besoin une liste de lecture, vous pouvez faire une recherche sur Google en saisissant un sujet. Chacune des parties a une responsabilité. Ce n’est pas ma responsabilité d’éduquer les gens sur ce que nous ressentons. Vous ne saurez jamais vraiment comment je me sens, mais vous pouvez être empathique. En tant que leader, vous avez une responsabilité. Vous devez prendre les rênes, vous renseigner et parler des aspects positifs, et non de tous les aspects négatifs. C’est ce que nous faisons.

Lisa Bragg :
Je crois que c’était dans le livre de Valerie Jarrett, Finding My Voice, dans lequel elle raconte son temps passé à la Maison-Blanche et la façon dont elle a remarqué, ou quelqu’un a remarqué, que lorsqu’une femme faisait valoir son point de vue, on ne le reconnaissait pas ou il passait inaperçu, tandis que lorsqu’un homme faisait la même chose, on célébrait et acceptait son opinion. Donc, les femmes se sont réunies et ont décidé d’agir en conséquence et d’attribuer le mérite là où il était dû. Comment pouvons-nous faire la même chose? C’est bien ce que vous avez dit, Betty. Qu’il fallait nous faire des remarques entre nous. Nous devons agir comme des alliées les unes avec les autres.

Betty Hines :
Parfois, vous devez dire ce qu’il y a à dire. Parce que je vais être tout à fait honnête, je ne peux pas toujours répondre à toutes les demandes tous les jours. J’ai parfois besoin que quelqu’un d’autre prenne la parole jusqu’à ce que je puisse prendre position et parler en mon nom propre. J’adore parler. Vous devez faire une remarque, vous ne pouvez pas fermer les yeux, et vous dire simplement : « Je m’en occuperai plus tard. » Je crois que nous devons, avec tact, transmettre certains enseignements aux autres pour leur permettre d’apprendre, sans les réprimander. Nous devons le faire plus souvent. Il faut du courage. Certaines personnes manquent de courage pour prendre la parole. Nous devons nous réapproprier cette façon de nous exprimer. Lorsque vous faites partie d’un groupe de femmes qui partagent les mêmes opinions, c’est possible de le faire. Vous gagnez la confiance nécessaire. Ce sont les aspects sociaux, comme le réseautage et la collaboration, qui vous permettent de gagner en confiance. Ce sont peut-être les gens à qui vous parlez, qui pensent comme vous et ont accompli les mêmes choses que vous et qui veulent en faire plus qui vous influencent.

Betty Hines :
C’est mon opinion. Je crois qu’il faut simplement mettre en évidence les aspects positifs, et faire preuve d’authenticité et de créativité. Si les gens n’ont pas le temps ou s’ils ne voient pas les aspects positifs, nous devons leur donner l’occasion de le faire ou les aider à ouvrir les yeux. Ce n’est que mon point de vue. Vous ne pouvez pas laisser tomber. Nous devons continuer à faire tout notre possible et ne pas abandonner.

Jan Campbell :
Beaucoup de femmes noires et de couleur sont venues me voir pour obtenir du soutien précis sur la façon de composer avec des problèmes dans leur milieu de travail lorsqu’elles veulent trouver les mots et le courage pour remettre quelque chose en question, se faire entendre ou influencer quelqu’un. Parfois, elles ne se sentent pas en sécurité de le faire, car cela pourrait compromettre la carrière qui leur tient à cœur. Elles ne veulent pas perdre un emploi qui leur est cher. J’ai aussi l’occasion de soutenir les femmes et de les aider à décider si le moment est approprié pour passer à l’action. Parfois, il est normal de se taire dans certaines circonstances et de trouver d’autres stratégies pour opérer les changements souhaités.

Jan Campbell :
J’ajouterais aussi qu’il existe des occasions pour de nombreuses femmes qui n’ont pas encore eu la possibilité de s’exercer, et qui tentent d’exprimer ce qu’elles ont envie d’exprimer. Il s’agit donc de s’exercer, notamment à voix haute, d’écrire, de travailler avec un coach de direction, un collègue ou un mentor, pour nommer et signaler les problèmes qui les concernent. En gagnant en confiance et en s’exerçant, peut-être avec un conseiller qui les aide à rédiger les scénarios et les accompagne, elles seront en mesure de contribuer à la cause et d’influencer leur organisation au moment qui leur convient.

Jan Campbell :
J’encourage les femmes à faire ce travail personnel et à entreprendre un programme de perfectionnement. Ce n’est pas parce que quelque chose ne va pas chez elles, mais elles doivent accéder à leur potentiel et l’exprimer en toute confiance pour pouvoir contribuer aux changements qui leur tiennent à cœur.

Lisa Bragg :
Pour terminer, comment pouvons-nous conserver une mentalité d’abondance en cette période de grande incertitude? Jan, je suis certaine que vous répondrez qu’il faut écrire et collaborer avec d’autres groupes, mais que pouvons-nous faire pour conserver cette mentalité d’abondance qui est si précieuse pour chacune d’entre nous en ce moment?

Jan Campbell :
Nous pouvons dire que la dernière année a été difficile, mais je crois que nous sommes nombreuses aujourd’hui à la considérer comme une année de possibilités de laquelle nous avons appris. Je crois que si nous ne faisons pas attention, nous risquons de nous concentrer sur les aspects négatifs. Mais je pense aussi qu’il s’agit d’une occasion de prendre conscience de ce qui s’offre à nous. Quelles sont les ressources à ma disposition? Quelles sont mes forces? Les forces que je possède, peu importe la situation. Quel est mon objectif? Qu’est-ce qui s’offre à moi? Avec qui puis-je communiquer dans mon entourage pour obtenir du soutien? Il suffit d’être reconnaissantes, de réfléchir et de célébrer ce que vous avez maintenant.

Betty Hines :
À mon avis, pour conserver une mentalité d’abondance, il faut être authentique. Je l’ai déjà dit, mais vous devez être vous-même. Si vous ne prenez pas soin de vous, vous ne pouvez pas prendre soin de qui que ce soit. Dans une mauvaise situation, donnez le meilleur de vous-mêmes. Je devrais écrire dans mon journal plus souvent. Je m’intéresse à la spiritualité, je médite et je prie. La plupart des femmes qui font partie du même groupe que moi sont très positives. Et je constate qu’elles ont toutes un point en commun, elles donnent du temps à un organisme sans but lucratif. Elles partagent leur temps, leur talent ou leurs richesses. Lorsque vous agissez ainsi, du moins c’est mon cas, vous vous sentez en paix avec vous-même et avec les autres. Lorsque vous exprimez votre gratitude, et c’est très important, vous vous sentez en paix avec vous-même et avec les autres. Et ce, malgré les divergences d’opinions. Tenez un journal et exprimez toujours votre gratitude.

Lisa Bragg :
C’est un conseil idéal pour conclure : exprimez votre gratitude. Merci beaucoup d’avoir participé à ce balado. C’est ce qui conclut cet épisode d’Audacieu(se), qui vous a été présenté par BMO pour Elles. Nos invitées d’aujourd’hui étaient Jan Campbell et Betty Hines. Ici Lisa Bragg. Veuillez vous inscrire et partager cet épisode afin que plus de gens profitent de la richesse de ces témoignages, et lui attribuer une note si vous l’avez aimé. Merci à notre équipe de production de MediaFace. Merci d’être à l’écoute.

 

À propos du balado :
Présenté par BMO pour Elles et animé par la journaliste et entrepreneure primée Lisa Bragg, Audacieu(se) propose des entretiens qui suscitent la réflexion et qui incitent les auditeurs à prendre des décisions audacieuses, dans la vie comme en affaires.