Nom : Jasmine Swimmer

Entreprise : Soft And Butter

Secteur d’activité : Soins de la peau / commerce de détail

Tanya : Votre entreprise, Soft And Butter, est une entreprise de produits de détail. La première question, et pas des moindres, est la suivante : qu’est-ce qui vous a menée à l’entrepreneuriat?

Jasmine : Mon parcours d’entrepreneuriat a été très peu conventionnel. Je crois que mon premier avant-goût de l’entrepreneuriat remonte au lycée. J’avais simplement besoin d’argent pour participer à une fête. Ma mère n’en avait pas les moyens à ce moment-là. J’ai donc décidé de créer des cravates pour les vendre aux garçons qui allaient au bal de fin d’année. J’ai réussi à gagner bien plus que ce à quoi je m’attendais, et c’est comme ça que ça a commencé. C’était en quelque sorte ma première expérience de l’entrepreneuriat, je me suis rendu compte que je pouvais faire quelque chose de solide.

Aujourd’hui, mon parcours, qui a abouti à la création non pas d’une, mais de deux entreprises qui fonctionnent et prospèrent, est le résultat d’un temps d’arrêt dans les premiers jours de la pandémie. J’ai un fils. Je me suis vite rendu compte que je ne pouvais pas travailler à mon bureau habituel et que je devais rester à la maison. Et c’est un peu ce qui m’a ramenée à toutes ces années antérieures, je me suis dit : « tu sais quoi, tu as déjà fait ça. Réessaie pour voir ».

Tanya : Vous avez répondu à un problème intelligemment, chose que toute entreprise est censée faire. Vous avez un problème, vous allez avoir besoin de ce produit, je peux vous faciliter la tâche en vous permettant de l’acheter. J’adore. Vous avez dit que vous avez maintenant deux entreprises, quelle est votre autre entreprise?

Jasmine : C’est plutôt un projet issu d’une passion. Il est toujours très important de revenir à sa communauté. Lorsqu’on grandit dans une région comme Washington Central, où il y a beaucoup de logements à loyer modique et beaucoup de gens qui n’ont pas accès à toutes les possibilités. Il s’agit d’initier les jeunes noirs et autochtones à la création artistique numérique, à l’univers du numérique en général, et à la manière dont ils peuvent transférer leurs compétences au monde virtuel.

Et s’ils veulent trouver un emploi, nous les aidons à acquérir les compétences nécessaires pour accéder à des emplois bien rémunérés, qui sont de toute façon la tendance partout dans le monde. Voilà en quoi consiste mon autre entreprise, qui combine l’art et ma passion, l’animation, la conception et la collaboration avec la collectivité.

Tanya : Depuis combien de temps cette entreprise est-elle en activité?

Jasmine : Elle est assez récente, un peu plus de six mois, mais la croissance est très rapide. Nous venons d’établir un partenariat avec la ville de Toronto et des artistes issus de différents quartiers de la ville.

Tanya : Il semble que vous fassiez des choix commerciaux audacieux depuis très longtemps. Pouvez-vous nous dire ce que vous considérez comme la décision d’affaires la plus audacieuse que vous ayez prise à ce jour?

Jasmine : J’ai décidé de devenir entrepreneure à temps plein pendant une pandémie. À l’époque, la plupart des garderies étaient pleines, et avaient toutes une liste d’attente de deux ans. J’avais peur parce que j’ai vu d’autres personnes essayer, puis abandonner. Ce n’était pas ce à quoi elles s’attendaient. Pendant une période fortement marquée par l’incertitude, j’ai décidé de me lancer et je peux dire aujourd’hui que cela a porté ses fruits.

Tanya : Vous aviez fait l’expérience de l’entrepreneuriat dans le passé, et vous aviez la motivation et l’ambition nécessaires. Mais qu’aviez-vous d’autre en place lorsque vous avez sauté le pas? Aviez-vous déjà votre idée d’entreprise et votre plan?

Jasmine : Oh, non, non, non. Une chose que vous devez savoir à mon sujet, c’est que je suis une chercheuse acharnée. J’adore faire des recherches. J’aime lire de vieux articles et regarder des documentaires.

Après mon accouchement, j’ai pris environ six mois pour faire des recherches sur les principales tendances du marché. J’ai utilisé différentes ressources de la bibliothèque pour connaître les tendances, ce qui se passe au Canada, ce qui se passe aux États-Unis, les habitudes d’achat en ligne, en magasin, etc. Il m’a fallu de cinq à six mois pour perfectionner mon produit.

Lorsque j’ai lancé mon entreprise, elle était plutôt instable, son nom était très long et les gens n’arrivaient pas à le prononcer. Pour le produit, les gens ne savaient pas vraiment comment l’utiliser. J’ai donc fait marche arrière et j’ai changé le nom. Nous avons créé le produit avec des ingrédients simples et naturels que tout le monde connaît. Les gens, en voyant la marque, pouvaient comprendre ce que nous étions.

Tanya : Vous avez parlé de beaucoup de choses dont nous pourrions probablement discuter pendant encore deux heures si nous avions du temps, comme les études de marché. Je crois que c’est une étape que de nombreux entrepreneurs en devenir sautent ou sur laquelle ils ne passent pas assez de temps, parce que ce n’est pas très glamour. Il ne s’agit pas de trouver un nom ou un logo, ou de créer un site Web, mais plutôt de cerner un problème.

J’aime le fait que vous y ayez consacré autant de temps avant de vous lancer, et que vous n’y soyez pas restée coincée. Quel a été le tournant financier le plus important pour votre entreprise lorsque vous êtes passée de je suis entrepreneure à je suis travailleuse autonome?

Jasmine : Je dirais lorsque j’ai obtenu mon premier contrat d’entreprise. Parmi une multitude d’autres entreprises, comment puis-je me démarquer? J’ai donc présenté mon entreprise de soins de la peau à une société qui fait beaucoup de cadeaux. Je leur ai dit : « Je vois que, chaque année, vous faites un excellent travail dans la collectivité et que vous offrez des paniers-cadeaux pour les employés et d’autres choses. J’aimerais vous montrer mes produits. » Je crois que c’était une commande de plus de 250 unités. Je n’y croyais pas. Il s’agissait de cadeaux d’entreprise. Cela a en quelque sorte changé l’orientation de mon entreprise, le commerce électronique de gros est devenu notre activité principale.

Tanya : J’aime aussi le fait que vous sortiez des sentiers battus. Beaucoup de gens n’oseraient pas présenter leurs produits à une société ou ne comprennent pas comment ils pourraient collaborer avec une société, mais ces sociétés ont de l’argent à dépenser. Alors pourquoi pas avec vous? Ça ne vous a rien coûté de présenter vos produits. Au pire, ils disent non, vous savez. Et au mieux, ils disent oui. C’est génial. Bravo! Quel est le plus grand défi de votre entreprise à l’heure actuelle?

Jasmine : Je dirais que le plus grand défi en ce moment, en particulier à Toronto, au Canada, est la production. Auparavant, Toronto était une métropole, avec des industries manufacturières, des usines et des fabriques. Elle devient maintenant une grande ville comme New York, où une grande partie de la communauté ouvrière est repoussée à l’extérieur de la ville. C’est un peu difficile pour une entreprise comme la mienne qui veut conserver des emplois en ville et dans le secteur manufacturier. De plus, de nombreux bâtiments ne sont pas propices à la fabrication.

Tanya : Je n’y avais pas pensé. Que voudriez-vous que les gens sachent sur le fait d’être noire et entrepreneure?

Jasmine : Ce que j’aimerais que les gens sachent sur le fait d’être noire et entrepreneure, c’est qu’il y a beaucoup de niveaux. Je n’ai pas grandi en ayant accès à des mentors et à des modèles d’entrepreneuriat. J’ai dû faire du bénévolat pour entrer dans les milieux indispensables, par le biais d’organisations comme Startup Canada, simplement pour acquérir des connaissances et connaître le contexte économique. Je crois que peu de gens comprennent que, parfois, les entrepreneurs noirs commencent littéralement de zéro. Nous n’avons pas d’investisseurs, d’alliances d’affaires ou de personnes pour nous prêter de l’argent et nous aider à nous développer. Il y a beaucoup de choses à faire avant d’en arriver à un point où nous pouvons nous présenter aux investisseurs ou aux investisseurs providentiels.

Il faut apprendre par soi-même, développer son entreprise et y investir son propre argent jusqu’à ce qu’elle ait suffisamment de valeur pour que quelqu’un d’autre investisse dedans. Il existe également des obstacles émotionnels et mentaux. L’état d’esprit des gens qui vous entourent et qui ne comprennent pas toujours ce que vous faites peut être décourageant. On nous pousse à obtenir un emploi au lieu de vivre l’incertitude de l’entrepreneuriat. Il faut aussi dépasser ce que l’on a enseigné aux femmes noires. Nous pouvons y arriver, nous pouvons bâtir des entreprises qui croissent, qui se développent et qui durent.

Ce qui les empêche de devenir des entreprises de plusieurs millions de dollars, ce sont les investissements et le soutien des autres communautés. Nous sommes nombreux à essayer d’apprendre partout où nous le pouvons, comme moi.

Tanya : Merci pour ce cours magistral de deux minutes, c’était vraiment passionnant!

Lorsque les gens se demandent pourquoi le gouvernement fédéral et les banques ont créé des programmes réservés aux Noirs, c’est parce que notre point de départ n’est pas le même, que les difficultés et les obstacles que nous rencontrons ne sont pas les mêmes. Dans certains cas, il y a des similitudes. Tout le monde tente de trouver une façon de faire croître son entreprise, mais qui vous entoure?

L’on dit souvent que votre réseau est votre valeur nette, mais si vous n’avez pas de réseau, cela signifie que vous n’avez pas non plus de valeur nette. Lorsqu’il y a des gens autour de vous qui peuvent vous présenter à une personne qui pourra vous fournir des liquidités, c’est du capital : du capital social qui se transforme en capital financier.

Avez-vous quelque chose à recommander à un nouvel entrepreneur, qu’il s’agisse d’une application, d’un livre, d’une personne à suivre ou d’un groupe dans lequel s’inscrire?

Jasmine : La première chose à faire est de s’entourer d’une communauté. Trouvez des personnes partageant les mêmes idées que vous, qui sont soit là où vous voulez être, soit sur le point de l’être. Cela fait une énorme différence lorsque vous êtes entouré de ces personnes. Pour ce qui est du commerce électronique en particulier, il existe un groupe en partenariat avec Shopify appelé Shopify Build Black. Il permet d’avoir des conversations avec des entrepreneurs noirs partout dans le monde, de donner des conseils, de faire part de subventions, ainsi que de demander et de donner de l’aide, qu’il s’agisse de fabrication ou de marketing.

Tanya : Ça semble incroyable. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez que les gens sachent à propos de vous ou de votre entreprise? Quelles sont les prochaines étapes pour vous?

Jasmine : Nous sortons d’un partenariat avec une autre banque et avons participé à des boutiques éphémères pour les Fêtes au Sherway Gardens. Bientôt, nous allons à l’étranger! Cette année, Soft And Butter sera à Afrochella, l’un des plus grands festivals africains du continent, et nous allons pouvoir présenter notre produit à des distributeurs internationaux. À l’heure actuelle, nous en sommes à l’étape de la croissance et nous nous développons réellement à l’étranger.

Tanya : Eh bien, félicitations pour vos réussites jusqu’à présent et vos réussites futures.

Où trouver Jasmine

Site Web : https://www.softandbutter.com/

Instagram : https://www.instagram.com/softandbutter/

Noire et déterminée est une série d’entrevues mensuelles menées par Tanya Hayles, entrepreneure nommée au palmarès des 25 femmes les plus influentes au Canada. Tanya est la fondatrice de Black Moms Connection, un village en ligne mondial de près de 30 000 personnes, qui est aussi un organisme national sans but lucratif qui fournit des programmes et des outils financiers au moyen de programmes de subventions généreusement financés par BMO. Les déclarations et les opinions exprimées par les personnes invitées et interrogées leur appartiennent et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de la Banque de Montréal ou de ses sociétés affiliées.