Nom : Laura Williams
Entreprises : Williams HR Law; LLP Williams HR Consulting, Inc.
Secteur d’activité : Droit / ressources humaines

 

Tanya : La première question est simple : quel est le nom de votre entreprise et que fait-elle?

Laura : J’ai deux entreprises. La première est un cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail et de l’emploi qui offre des services complets – Williams HR LAW, LLP. Elle offre des conseils aux employeurs et les représente. La deuxième s’appelle Williams HR Consulting, Inc. et c’est une société de services-conseils complets en ressources humaines.

Tanya : Comment êtes-vous devenue entrepreneure?

Laura : J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale. Je suis la plus jeune d’une famille de quatre enfants. Mes frères et sœurs aînés m’envoyaient faire des courses quand j’étais jeune. C’était dans les années 1970. Ma sœur adorait les croustilles crème sûre et oignons et les barres Coffee Crisp. Je devais traverser une rue achalandée et je leur faisais payer des frais de course. Si les croustilles coûtaient 25 cents, je leur demandais 10 cents par course. J’ai toujours été créative. Ils en rient encore et disent « vous vous souvenez de l’époque où Laura nous demandait un pourcentage pour faire nos courses? »

Tanya : Une femme d’affaires en herbe!

Laura : Après avoir travaillé un certain temps comme avocate dans le secteur public, j’ai eu l’impression que nous pouvions exercer notre métier différemment. La pratique du droit est axée sur la réaction. Et lorsqu’il est question de droit du travail et de l’emploi ou de questions liées aux ressources humaines au sein d’une organisation, nous pouvons nous fier au fait que le comportement humain est très prévisible. Donc, je ne disais pas simplement : « Un client a un problème, nous l’avons résolu. Passons à autre chose. » Je me disais plutôt que je devais aller faire un tour sur le terrain et voir pourquoi cela s’était produit.

Les associés me disaient que j’étais une excellente avocate, mais aussi une conseillère. Parce que les avocats n’avaient pas l’habitude d’adopter une approche plus proactive, d’aller sur le terrain et de vouloir résoudre les problèmes. Au bout du compte, j’ai en quelque sorte suivi cette voie et j’ai eu envie de lancer une entreprise et de faire les choses un peu différemment.

Je ne sais pas si vous voulez inclure cette anecdote dans l’article, mais quand les gens me demandaient comment j’allais nommer mon entreprise avant que je la lance, je disais Peur bleue s.r.l. Ma mère m’a dit : « Ce n’est pas drôle, ma chérie ».

Tanya : Je vais garder cette partie de l’entrevue c’est certain!

Laura : Je dois vous dire que c’est l’une des réalités des entrepreneurs. Ceux qui réussissent ont peur. Vous devez surmonter vos peurs. Beaucoup de choses devraient susciter de l’hésitation. Et vous devez les surmonter, aller de l’avant et faire face à l’adversité.

Parce qu’en tant qu’entrepreneur qui entre dans le monde des affaires, vous apprendrez beaucoup. Vous apprendrez beaucoup de vos erreurs. Il ne faut pas les prendre comme des échecs, mais comme des leçons.

Tanya : Bien sûr. J’adore votre réponse. Quel est, selon vous, le geste le plus audacieux que vous ayez posé à ce jour en affaires?

Laura : Lorsque j’étais associée de l’autre société, ma décision la plus audacieuse a été de la quitter pour lancer ma propre entreprise.

Ce qui était vraiment audacieux et fou, c’était de lancer une autre entreprise alors que j’avais déjà une entreprise en démarrage. Je dis souvent pour rire que j’essaie de passer pour une rousse, mais que j’ai en fait les cheveux poivre et sel. Et je l’ai probablement fait plus tôt que j’aurais dû, parce que j’ai fait certaines choses et les gens m’ont dit… je ne sais pas si je referais la même chose aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, le fait d’avoir deux entreprises en démarrage tout en étant très occupée et en suivant une courbe d’apprentissage abrupte, je crois que c’était assez impressionnant.

Tanya : Je suis tout à fait d’accord. Quel a été le tournant financier le plus important pour votre entreprise? Le moment où vous vous êtes dit : « J’ai réussi »?

Laura : Je ne l’ai pas encore vécu, ma chère. C’est quand vous pensez avoir réussi que vous commencez à vous la couler douce. Je me demande toujours ce que nous pourrions améliorer, et pas seulement d’un point de vue financier. Je peux vous dire une chose, c’est que je n’ai jamais fait la course au profit. Mais vous en arrivez à un point où votre entreprise atteint un certain niveau, où vous devez faire preuve d’intelligence sur le plan financier, en particulier si vous voulez qu’elle prenne de l’expansion, qu’elle soit durable, et ainsi de suite.

Je dirais que, assez récemment, l’une des étapes importantes a été d’admettre mon premier partenaire, puis de faire passer l’entreprise du statut de société professionnelle à celui de société de personnes. Et parce qu’elle est vraiment sur la bonne voie pour devenir durable, c’était une étape importante de fonder une société de personnes. Une autre mesure importante pour la société a été la création d’un programme de primes incitatives fondées sur l’adoption de comportements bons pour la collectivité.

Lorsque vous pensez à une prime, vous pensez à vos intérêts personnels. Nous l’avons présentée comme un incitatif pour que tout le monde constate les vertus de la collaboration. Que la somme est supérieure à l’ensemble de ses éléments. Et si nous travaillons ensemble, notre travail sera plus rentable. Et je veux que tout le monde profite de cette rentabilité. Alors c’est un élément qui a évolué. Il s’agit pour moi d’une étape très importante, car j’ai voulu le faire pendant des années, et ce n’est devenu possible qu’il y a deux ans, lorsque nous sommes devenus une société de personnes. C’est un grand pas.

Tanya : C’est génial. Je suis certaine que cela a changé la façon dont votre équipe travaille ensemble. De nos jours, les gens ne se soucient plus seulement de leurs propres indicateurs clés de performance, mais de la réussite de leur équipe.

Laura : Bien sûr. Habituellement, dans les cabinets d’avocats, les avocats ou ceux qui génèrent des revenus directs reçoivent des primes de rendement. Mais je raconte souvent cette histoire parce que c’est la vérité. Avant de devenir avocate, j’étais adjointe juridique dans de grands cabinets du centre-ville de Toronto.

Il est devenu évident pour moi que le moteur d’une organisation est son équipe de soutien. Les gens ne le comprennent pas. Il y a eu des périodes où j’ai dû offrir des primes de rendement uniquement aux avocats. Par contre, c’était très important pour moi de créer une structure qui permet à tout le monde de recevoir une prime. Et cela a fait en sorte que les avocats apprécient la valeur du travail du personnel de soutien. Et le personnel de soutien peut constater la valeur de leur contribution à la prestation des services offerts aux clients.

Ça fonctionne vraiment. Tout est axé sur le comportement et les compétences. Les comportements et le rendement de l’ensemble de l’équipe sont évalués en fonction des mêmes huit compétences. J’aurais aimé pouvoir dire que tout a été facile pour moi, mais je ne voulais pas suivre une courbe d’apprentissage abrupte. J’ai donc fait appel aux services de consultants externes à prix élevé pour qu’ils nous aident à créer une structure et à la mettre en place.

Tanya : Et je suis certaine que les avantages valaient dix fois le prix que vous avez payé. Voilà comment on bâtit une culture. Cela prend de l’argent et du temps, mais lorsque vous le faites bien, le rendement du capital investi est assuré. C’est vraiment génial.

Laura : Vous comprenez. La vérité, c’est qu’il faut faire preuve de beaucoup d’altruisme. Mais c’est une bonne pratique d’affaires. Il faut toujours être altruiste pour faire de bonnes affaires. C’est ce que je dis depuis des années. Vous n’atteindrez pas vos objectifs d’affaires si vous ne réglez pas vos problèmes de gestion du personnel. Point à la ligne.

De plus, du point de vue des affaires, il s’agit de réaliser que nous ne pouvons pas servir tout le monde. Nous ne sommes pas un bon fournisseur de services pour tous les clients. Nous ne sommes pas un bon fournisseur de services pour les clients qui veulent flouer leurs employés.

Tanya : Et c’est très bien ainsi.

Laura : Nous avons deux politiques simples que je peux vous présenter. Notre vision comprend deux volets. En ce qui concerne les employés, nous n’engageons pas de divas. En ce qui concerne les clients, nous ne faisons pas affaire avec les ordures.

Tanya : J’adore.

Laura : Chaque complexité peut être ancrée dans la simplicité. Mon esprit simplifie et synthétise les choses.

Je viens de me rappeler d’autres étapes importantes dont nous sommes vraiment fiers. Notre bail est arrivé à terme, et j’ai acheté un nouvel immeuble pour l’entreprise. Les travaux de construction sont sur le point de commencer et c’est quelque chose. Nous allons avoir un café au travail. C’est dans les plans. Nous aurons une table de ping-pong, et tout le reste. Nous aurons un bel espace de travail.

Notre entreprise fait également l’objet d’une étude de cas d’Ivey Publishing. Il sera question de notre entreprise dans les cours des écoles de commerce du monde entier.

Tanya : C’est incroyable. Je crois que ce qui est vraiment intéressant dans votre histoire, c’est que les gens ne considèrent pas les avocats comme des entrepreneurs. Évidemment, vous êtes toujours une propriétaire d’entreprise responsable de bâtir une entreprise, mais aussi une culture d’entreprise. Je suis certaine que cela va à l’encontre des nombreux stéréotypes au sujet des avocats, de leur profession et de leur façon de servir la clientèle. J’aime le fait que vous soyez vraiment différente de l’idée qu’on se fait des propriétaires de cabinets d’avocats, de leur façon de travailler et de leur discours. Ça me plait beaucoup.

Comment le fait d’être une femme dans votre secteur d’activité vous a-t-il aidée? Je ne peux que supposer que le secteur juridique est principalement composé d’hommes.

Laura : Ce qui est essentiel pour être un entrepreneur, c’est de connaître son histoire. C’est pourquoi je dis que je n’ai jamais fait la course au profit. Parce qu’en vérité, si vous adoptez une approche entrepreneuriale appropriée, ce que vous offrez au monde par l’intermédiaire de votre entreprise devrait être quelque chose d’inné ou de naturel pour vous.

Mon père était professeur de sociologie et il a aussi été un précurseur en matière de relations interraciales. Ma mère était aussi une pionnière dans le monde du leadership. En ce qui me concerne, je suis profondément passionnée par ce que je fais grâce à mes parents. De plus, je comprends maintenant tout ce qu’ils ont dû subir en tant que pionniers. Je les vois vraiment comme des leaders, vu ce qu’ils ont accompli et les efforts qu’ils ont dû faire.

Mais ils nous ont élevés en nous faisant comprendre qu’il n’y avait pas de poste auquel nous ne pouvions pas accéder. C’est une réponse longue pour dire que je n’ai jamais fait quoi que ce soit qui soit destiné d’abord et avant tout aux femmes ou aux femmes noires. Est-ce que l’occasion s’est présentée dans mon environnement de travail? Évidemment. Mais ce que je peux dire, c’est qu’il faut d’abord bien y réfléchir. J’ai eu de nombreuses occasions de changer l’état d’esprit de manque des gens. Nous pouvons faire de grandes choses en voyant les gens autrement. C’est comme ça que j’ai pu passer à travers ces moments difficiles.

Tanya : C’est l’heure du sermon! Avant-dernière question : comment la pandémie qui touche la planète ou la crise raciale que nous traversons a-t-elle affecté vos activités?

Laura : Nous n’avons jamais été aussi occupés. Point à la ligne. Personnellement, je ne me suis jamais sentie aussi fidèle à ma raison d’être et épanouie.

Tanya : Génial.

Laura : Des organisations se bousculent et nous disent : « Aidez-nous à améliorer nos systèmes et nos processus. Examinez nos politiques afin qu’elles soient équitables. Et elles sont plus équitables. Voyez si notre culture comprend des obstacles systémiques. Indiquez-nous comment nous pouvons nous débarrasser de nos préjugés inconscients. » À notre époque, si nous ne saisissons pas cette occasion, nous devrions avoir honte.

Cette période a également été décisive pour moi, en tant que femme noire. Et en tant que personne racialisée qui comprend le fardeau qui pèse sur nos épaules et avec lequel nous devons continuer à mettre un pied devant l’autre. Et parfois, faire semblant de rien et par exemple devoir composer avec un chef de la direction qui me discrimine ouvertement à cause de mon apparence.

Je constate que c’est le cas pour de nombreux fournisseurs qui travaillent sur des questions d’équité, de diversité et d’inclusion, et qui se trouvent à être des personnes racialisées. Cela a un effet néfaste. Parce que souvent, vous revivez un traumatisme différent. Même si, du point de vue des affaires, les chiffres semblent excellents, je dois faire preuve d’un peu plus de prudence dans ce contexte. Mais encore une fois, le paradoxe, c’est que j’accueille aussi l’occasion de vraiment aider, car notre société est fortement et intensément sollicitée pour réaliser ce travail.

Je gravite vers le bien. J’accepte le fait qu’il y a de la haine. J’accepte le fait que le mal existe. J’accepte le fait qu’il doit y avoir un contraste. Le mal doit exister pour que nous sachions ce qui est bien. La haine doit exister pour que nous sachions ce qu’est l’amour. Cela fait partie de l’expérience humaine.

Tanya : Je suis très heureuse que vous ayez abordé ce sujet, car il est épuisant. J’écris toujours sur les réseaux sociaux : « Je sais que février est le Mois de l’histoire des Noirs. Vous pouvez parler aux Noirs en dehors de février. » Il y a 11 autres mois dans l’année. « Je vous promets de ne pas me désintégrer le 28 février. Et vous obtiendrez du meilleur contenu, car d’ici au 27 février, je ne voudrais plus du tout parler de race, plus jamais. »

Laura : En passant, comment en sommes-nous arrivés à avoir le mois le plus court de l’année?

Tanya : Et le plus froid! Nous sommes un peuple à sang chaud. Ce sera notre histoire d’origine de méchants. Nous allons corriger cette situation. Dernière question : parvenez-vous à trouver un équilibre entre votre vie personnelle et professionnelle et si oui, comment? Comment trouvez-vous un équilibre? Parvenez-vous à trouver un équilibre?

Laura : J’espère que Fran, mon assistante, ne m’écoute pas.

Tanya : Parce que Fran connaît la vérité.

Laura : J’ai été terrible.

Tanya : J’ai l’impression que la plupart des gens n’arrivent pas à trouver un équilibre.

Laura : Je m’appelle Laura Williams et je suis dépendante au travail. J’ai du mal à comprendre si je suis dépendante au travail parce que mon travail me passionne, et si je dépasse les limites de ce qui semble humainement possible parce que j’adore ce que je fais?

J’ai pris conscience que je dois prendre de plus longues pauses. Je viens de prendre deux semaines de vacances. J’ai vraiment compris la nécessité de prendre des pauses. Non pas que je ne prenais pas de pauses auparavant, mais des pauses plus longues et plus réparatrices.

J’essaie de faire des marches de façon régulière et de mieux manger. Je parviens à un équilibre lorsque je fais des choses pour prendre soin de moi.

Je commence à comprendre ce que signifie réellement garder un meilleur équilibre entre le corps, la raison et l’esprit. Je fais ma méditation et j’ai mon temps de dévotion le matin. J’essaie du mieux que je peux de ne pas être la cible d’attaques le matin. Vous devez traiter le problème à la source. Ce sont les habitudes que j’ai adoptées qui m’aident à garder le cap et à trouver un équilibre.

Tanya : Merci beaucoup. Ce fut un plaisir de m’entretenir avec vous!

 

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Noire et déterminée est une série d’interviews mensuelles menée par l’écrivaine et entrepreneure primée Tanya Hayles. Tanya est la fondatrice de Black Moms Connection, un village en ligne mondial de près de 30 000 personnes, qui est aussi un organisme sans but lucratif qui fournit des programmes et des outils financiers au moyen de subventions généreusement financés par BMO. Les déclarations et les opinions exprimées par les invités et les personnes interrogées sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque de Montréal ou de ses sociétés affiliées.