Nom : Valrie Grant
Entreprise : GeoTechVision and Marlie Technology Park
Secteur : Technologie

 

Tanya : Tout d’abord, quel a été votre parcours vers l’entrepreneuriat?

Valrie : Ce n’était pas une voie toute tracée. J’occupais un poste de directrice principale pour le gouvernement. Je suis une scientifique. J’ai étudié la géologie à l’université, puis je me suis retrouvée dans le domaine des systèmes d’information géographique complètement par hasard. J’ai fini par quitter le secteur privé pour aller travailler au sein du gouvernement lorsque j’étais jeune. Je pensais que cela contribuerait grandement à changer les choses. Et je me suis rendu compte que la réalité était assez différente de ce à quoi je m’attendais, alors j’ai décidé de m’aventurer seule.
En 2008, j’ai constaté un besoin à l’égard des services que nous offrions, mais sous une forme personnalisée, surtout dans les Caraïbes. Nous voulions être la société qui offrirait à ses clients des solutions géospatiales personnalisées. C’est ainsi que j’ai créé GeoTechVision en 2008.

Tanya : J’adore poser cette question, car tous les entrepreneurs que je connais me disent qu’ils ne se sont pas réveillés un jour en décidant tout simplement de devenir entrepreneurs. Il y a toujours un parcours. Quel est, selon vous – mis à part le démarrage de votre entreprise – le geste le plus audacieux que vous ayez posé à ce jour en affaires?

Valrie : Il y en a eu tellement. Mon parcours entrepreneurial n’a pas été de tout repos. J’ai fait face à des sociétés qui pratiquent l’intimidation. J’ai affronté le gouvernement. Actuellement, j’intente une importante poursuite judiciaire contre le gouvernement de la Jamaïque au sujet d’un contrat de 16 millions de dollars qui a été résilié sans motif. Je dirais donc que mon geste le plus audacieux est de ne pas maintenir le statu quo, mais simplement d’essayer de me dépasser et de ne pas laisser les gens établir des limites pour moi.
C’est souvent le cas lorsque vous êtes dans le secteur des technologies et que vous êtes une femme noire. Il s’agit de ne pas me limiter. Parfois, vous faites les choses en ayant peur, mais vous franchissez les étapes.

Tanya : J’adore la façon dont vous présentez les choses. Même lorsque vous dites que l’entrepreneuriat n’est pas de tout repos, parce que c’est vraiment le cas.
Selon vous, quel a été le tournant financier le plus important pour votre entreprise? Quel a été le moment où vous vous êtes dit « J’ai réussi »?

Valrie : Je crois que ce tournant a eu lieu en 2014, lorsque nous avons obtenu notre contrat le plus important à ce jour. À ce moment-là, il s’agissait d’un contrat de 1,5 million de dollars. Cela nous a en quelque sorte permis de déterminer la façon d’aller de l’avant.

Tanya : Oui, absolument. Une grande réussite mène assurément à d’autres grandes réussites. Selon vous, comment le fait d’être une femme dans votre secteur d’activité vous a-t-il aidée? Vous êtes une femme noire dans le secteur des technologies, dans un domaine très précis du secteur des technologies. Nous parlons souvent des obstacles et des freins, mais pensez-vous qu’être une femme vous a parfois été utile pour vos affaires, dans votre secteur d’activité?

Valrie : Oui, je le crois. Je crois toujours qu’il est essentiel d’être prêt à saisir les occasions, mais il ne suffit pas d’être seulement prêt pour les occasions. J’ai eu beaucoup d’homologues masculins, car mon secteur d’activité est très dominé par les hommes. Une fois qu’ils ont vu ce que vous valez, constaté que vous avez travaillé à 150 % pour faire votre place et compris la valeur de ce que vous apportez, je trouve que d’une certaine façon, ils commencent à faire attention à vous.

Tanya : Cela m’amène à ma prochaine question : quel avenir entrevoyez-vous pour les femmes dans votre secteur d’activité? Je sais que les chiffres sont encore peu élevés. Il y a environ 2 % de personnes noires dans le secteur des technologies, mais pensez-vous que cela changera et qu’un plus grand nombre de filles s’y intéresseront à un plus jeune âge ou communiqueront avec vous pour que vous deveniez leur mentore?

Valrie : Je crois que nous devons contribuer à créer cet avenir. C’est donc ce que je fais. Je viens de terminer ma maîtrise en administration des affaires, le 1er mai, et quelques amis m’ont demandé : « Où pouvons-nous envoyer des fleurs? Où pouvons-nous envoyer un cadeau? » Je leur ai répondu que je voulais qu’ils cotisent au fonds de bourses d’études STIM de mes filles. Je crois qu’en tant que personnes travaillant dans le secteur, nous avons l’obligation de donner au suivant. J’essaie donc de faire ma part en ce sens.

Tanya : J’aime beaucoup le fait que vous avez transformé votre réussite – félicitations, au passage – en une occasion pour les gens. Ne m’envoyez pas de fleurs. Envoyez plutôt ces filles à l’école. C’est magnifique. Quelle a été la plus grande réussite de votre entreprise? Quel accomplissement de votre entreprise vous rend le plus fière?

Valrie : C’est une question intéressante. Je vais vous donner deux réponses.

Pendant la pandémie de COVID-19, le contexte a forcé les jeunes à passer à l’apprentissage en ligne littéralement du jour au lendemain. Nous avons alors réalisé que les gens dans les collectivités mal desservies n’avaient tout simplement pas les appareils nécessaires. Donc, au lieu de passer à l’apprentissage en ligne, ils ont simplement cessé d’apprendre. J’ai utilisé une bourse de We Empower et nous avons fait don de tablettes à près de 500 personnes à faible revenu et issues de collectivités mal desservies.

Au cours de cette période, nous avons également lancé notre gamme d’ordinateurs portatifs. Ainsi, même si le monde traversait une période difficile, nous avons été en mesure de faire du bien et de proposer de nouveaux produits. Je crois que c’est cette réussite qui me tient le plus à cœur.

Tanya : Wow Wow. Wow. Ce que je trouve intéressant, c’est que nous ne parlons que depuis 15 minutes, mais je constate que toutes vos plus grandes réussites sont ancrées dans le service aux autres. Chaque fois, mis à part peut-être le tournant sur le plan financier, que je vous pose une question au sujet de votre entreprise et de vos plus grandes réussites, on revient à la façon dont vous pouvez aider la collectivité, les gens qui vous entourent.

Tanya : Comment les clients et les entreprises peuvent-ils soutenir les femmes noires en ce moment?

Valrie : Je ne crois pas que nous cherchons à obtenir quelque chose de spécial. Je crois que nous recherchons l’équité. Nous voulons simplement avoir une occasion équitable de faire nos preuves, d’offrir nos services; qu’on donne une chance à nos produits et qu’on prenne le temps de les évaluer. Faites donc un effort réfléchi pour prendre connaissance de ce qui est offert.

Tanya : Dernière question : Comment parvenez-vous à trouver un équilibre entre votre vie personnelle et professionnelle?

Valrie : C’est toujours difficile. Mais j’ai des amies qui me rappellent de prendre soin de moi. En particulier dans le contexte de la COVID-19, je crois que les choses sont devenues extrêmement difficiles parce que les lignes sont devenues très floues. On ne sait pas à quel moment la sphère professionnelle s’arrête, car nous travaillons tous de la maison. Je ne cherche plus à concilier mon travail et ma vie personnelle. Je crois que je recherche plutôt l’intégration. Je m’efforce de me réserver des moments juste pour moi.

Tanya : C’était vraiment formidable de discuter avec vous. J’ai aimé vous entendre sur ce que vous faites pour les jeunes filles noires dans votre communauté. Merci de m’avoir permis de prendre part à votre séance de coiffure, car je sais que c’est très précieux pour nous, les femmes noires, et que notre visite au salon est censée être notre moment de détente. Je vous remercie de m’avoir permis de m’immiscer dans votre vie personnelle; c’était vraiment un plaisir de discuter avec vous.

 

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Noire et déterminée est une série d’entrevues mensuelles menées par Tanya Hayles, entrepreneure nommée au palmarès des 25 femmes les plus influentes au Canada. Tanya est la fondatrice de Black Moms Connection, un village en ligne mondial de près de 20 000 personnes, qui est aussi un organisme sans but lucratif qui fournit des programmes et des outils financiers au moyen de subventions généreusement financés par BMO.