Selon une croyance répandue, les entrepreneurs seraient des personnalités de type A compétitives, extraverties, impatientes, agressives, risque-tout – et essentiellement de sexe masculin. Quant aux femmes, elles sont perçues comme des propriétaires d’entreprise douces et protectrices qui influencent de manière subtile le monde qui les entoure. Au fil du temps, ces préjugés se sont mués en une fausse idée selon laquelle les femmes entrepreneures démontrent une aversion au risque et sont réfractaires à la prise de décisions audacieuses qui favoriseraient la croissance de leur entreprise. Si c’était vrai, une telle réticence pourrait nuire à la croissance de leurs activités et à l’innovation, voire dissuader les institutions financières d’investir dans leurs entreprises.

Un nombre croissant de Canadiens et de Canadiennes envisagent de devenir travailleurs autonomes, surtout depuis la grande récession de 2007-2009, période durant laquelle de nombreux emplois sont devenus vulnérables aux réductions de personnel. En fait, le rapport de L’institut Info-Patrimoine BMO, intitulé Les entrepreneurs : des propriétaires d’entreprise hors de l’ordinaire, montre que l’entrepreneuriat est en hausse dans des groupes de population très divers, parmi lesquels les jeunes diplômés inquiets que leurs compétences spécialisées soient sous-utilisées dans les milieux de travail traditionnels et les personnes préretraitées désireuses de rester alertes et socialement intégrées une fois qu’elles auront quitté la vie active.

L’étude commandée récemment par BMO Gestion de patrimoine a révélé de nombreuses ressemblances entre les hommes et les femmes entrepreneurs, tandis que certaines différences ont remis en question plus d’une idée reçue. Dans le cadre de cette étude dirigée par des chercheurs de l’Université Carleton en collaboration avec l’agence The Beacon, des entrevues ont été menées auprès de 100 entrepreneurs hommes et femmes sur des sujets tels que la motivation à démarrer une entreprise, le comportement en matière de prise de risque et le financement de la croissance de l’entreprise. Après cette étude, BMO Gestion de patrimoine a entrepris, auprès de 803 entrepreneurs, une enquête axée sur certains des mêmes indicateurs examinés dans le but de mieux connaître les entrepreneurs et d’apprendre à mieux les servir.

Caractéristiques communes des hommes et femmes entrepreneurs

Motivation

Des millions de Canadiens et de Canadiennes sont très heureux de leur situation de salarié, mais beaucoup éprouvent le besoin ou le désir de devenir des travailleurs autonomes. Ces entrepreneurs sont motivés par divers facteurs, dont la passion de leur métier, le désir d’indépendance et le besoin de générer des revenus2. Lorsqu’on leur a demandé ce qui les avait incités à démarrer une entreprise, les hommes et les femmes entrepreneurs ont obtenu une note semblable pour toutes les réponses. C’est l’envie d’une plus grande liberté et d’une flexibilité accrue ou le désir de satisfaire une passion pour la création d’un produit ou d’un service précis qui a amené un nombre impressionnant d’entrepreneurs à lancer leur entreprise3. Les seuls écarts minimes relevés portaient sur la nécessité de générer des revenus (en majorité chez les femmes entrepreneures) et le désir d’indépendance économique (en majorité chez les hommes entrepreneurs)3.

Ce désir d’indépendance économique concorde avec les résultats présentés dans le rapport Femmes et gestion de patrimoine : l’arrivée d’un âge d’or financier de L’Institut Info-Patrimoine BMO. Publié en 2015, le rapport révèle que les femmes fortunées et prospères craignent de manquer de fonds pendant la vieillesse – elles souffrent de ce qu’on appelle le « syndrome de la clochardisation ». Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, des coûts élevés des services de garde d’enfants et des disparités salariales, il n’est pas étonnant que les femmes soient de plus en plus attirées par le travail autonome.

Confiance

Si les entrepreneurs des deux sexes sont motivés de la même façon, leur efficacité personnelle est-elle la même2? Il s’agit ici de la confiance que la personne place dans ses capacités. L’étude de l’Université Carleton révèle que les hommes et les femmes entrepreneurs obtiennent des résultats similaires en termes d’efficacité personnelle relativement à leur entreprise. En outre, les femmes ont déclaré que la confiance en leurs capacités augmentait avec l’expérience et la réussite de leur entreprise2. Ces résultats se retrouvent dans l’enquête de BMO, qui a révélé que 64 % des hommes et 72 % des femmes interrogés se sentaient « très confiants » ou « plutôt confiants » sur le plan de la gestion des risques. Il semblerait donc que ni l’une ni l’autre des études n’étaie l’affirmation selon laquelle les femmes ont le risque en aversion quand il s’agit de prendre des décisions d’affaires.

Chez les hommes et les femmes entrepreneurs, on a observé une corrélation entre la motivation à démarrer une entreprise et la probabilité que ces entrepreneurs prennent des décisions liées au risque. La recherche démontre que les entrepreneurs motivés par l’intérêt, la confiance et le désir d’indépendance sont plus susceptibles de prendre des décisions liées au risque que ceux qui démarrent une entreprise parce qu’ils ont besoin d’un revenu2. Peut-être est-ce la motivation, et non le fait d’être un homme ou une femme, qui est le facteur déterminant de l’aversion au risque. Et peut-être que les femmes ne fuient pas les risques, mais qu’elles en sont plutôt bien conscientes – nous reviendrons sur cette question plus loin dans le présent rapport.

Si le comportement en matière de risque était réellement lié au fait d’être un homme ou une femme, on pourrait s’attendre à ce que les entreprises dirigées par des hommes et celles gérées par des femmes présentent des taux de croissance et d’innovation bien différents. Au contraire, les petites et moyennes entreprises (PME) croissent à un taux de 20 % par année, sans égard au sexe de la personne qui en détient le contrôle majoritaire2. Par surcroît, le rythme auquel les PME stimulent l’innovation est similaire tant chez les hommes que chez les femmes. De par sa nature, l’innovation suppose la prise de risques pour créer un produit ou un service. Il semblerait que les preuves pour étayer l’affirmation voulant que les hommes aiment prendre des risques (plus audacieux que prudents) et que les femmes fuient le risque (plus prudentes qu’audacieuses) soient rares.