Un mentor peut voir en vous ce que vous ne voyez pas. Vivian Pickard affirme que sa fructueuse carrière de 40 ans à General Motors est attribuable aux mentors qui ont pris le temps de la propulser vers l’avant. Comme elle le dit à Lisa Bragg, le secret de la réussite réside dans le fait d’être la meilleure version de soi.

 

Vivian Pickard :
Dans ma tête, je pouvais entendre la voix de ma mère qui me disait : « Tu sais quoi? Tu as ta place. Tu peux y arriver. Tu peux y arriver. Tu as… ta place. »

Lisa Bragg :
Comme sa mère l’avait fait pour elle, Vivian Pickard encourage toujours d’autres femmes. Elle offre du mentorat de façon continue à une vingtaine de femmes. Une façon de redonner à la collectivité après avoir eu elle-même des mentors extraordinaires.
Je m’appelle Lisa Bragg et voici Audacieu(se), un balado relatant des histoires de femmes qui se distinguent, destiné à leurs semblables, et qui vous est présenté par BMO pour Elles.
Vivian donne de sages conseils en s’inspirant des leçons qu’elle a apprises au fil des ans, par exemple : encourager à se reconstruire en cherchant votre but dans la vie et à ne pas avoir peur de commencer en bas de l’échelle.

Vivian Pickard :
J’ai grandi à Sturgis, une petite ville du Mississippi, tout près de la Mississippi State University. Dans cette ville, vous aviez réussi si vous étiez enseignant. Bien sûr, je n’ai rien contre les enseignants, mais c’est ce qu’il fallait devenir pour réussir dans la vie. La plupart des gens qui vivaient en ville et des membres de ma famille qui étaient considérés comme ayant réussi étaient enseignants.
J’ai quitté le Mississippi à l’âge de 17 ans quand ma famille a déménagé au Michigan. J’ai commencé un programme d’alternance travail-études à General Motors à Flint, au Michigan, et j’ai eu l’occasion de côtoyer d’autres personnes – des femmes qui s’impliquaient et faisaient autre chose qu’être enseignantes. C’est en partie ce qui m’a permis de prendre conscience qu’on s’inspire des gens qu’on côtoie et qu’on aspire à être comme eux. Au Mississippi, j’aspirais évidemment à devenir enseignante ou à occuper un poste administratif, car c’est ce que les membres de ma famille faisaient. C’était impressionnant pour moi de travailler à General Motors, dans la ville de Flint, en tant que superviseure, superviseure à l’usine ou superviseure administrative.

Lorsque j’ai commencé à travailler à General Motors en tant qu’étudiante, j’ai côtoyé des gens qui se trouvaient en bas de l’échelle. Peu de femmes occupaient des postes de direction, mais il y avait quelques superviseures. J’ai donc aspiré à occuper un poste de superviseure au sein du service de la comptabilité, où je travaillais déjà, à General Motors. Je revenais au bureau chaque été. Puis, lorsque j’ai été embauchée au sein du service des finances, mon objectif était de devenir superviseure, probablement parce que c’était le plus haut niveau de poste qu’occupaient les femmes que je côtoyais au travail.

J’ai été mutée au service du personnel, et le directeur du personnel est devenu un excellent mentor pour moi. Il était persuadé que je pouvais faire n’importe quoi et il m’a poussé à le faire. Lorsqu’un poste de direction s’est libéré, il a appuyé ma candidature.
Lorsque j’ai commencé à faire partie de l’équipe de direction, bien sûr, j’ai vu des femmes assumer encore plus de responsabilités à des niveaux supérieurs. Encore une fois, « on s’inspire des gens que l’on côtoie ». Quand j’ai vu ça, je me suis dit : « Je crois que je peux le faire moi aussi. Je ne crois pas que cette femme soit plus intelligente que moi. » On me confiait de plus en plus de responsabilités au sein de la direction et je voyais de plus en plus de femmes qui occupaient des postes de niveau supérieur. J’allais dîner avec elles, je les côtoyais et j’ai commencé à me dire : « Je crois que je peux faire ce qu’elles font. Je ne crois pas qu’elles soient plus futées que moi. » Je crois que ces deux environnements de travail m’ont appris qu’il est important d’être exposé à des dirigeants de tous niveaux pour constater qu’on est capable de remplir la même responsabilité qu’eux. Lorsque j’ai été promue au siège de direction, j’étais entourée de dirigeantes de niveau supérieur, et encore une fois, je n’avais pas l’impression qu’elles étaient beaucoup plus intelligentes que moi. Je me disais que je pouvais faire la même chose qu’elles et que j’étais aussi intelligente qu’elles.
Plus je côtoyais des dirigeantes de haut niveau, plus je gagnais en confiance en moi et plus je me disais : « Elles ne sont pas plus intelligentes que moi. Je peux occuper un poste de ce niveau. » Encore une fois, je crois que le fait d’être exposée à autant de femmes leaders m’a fait prendre conscience que je pouvais arriver à un poste de ce niveau. Je crois qu’il est très important que les gens, surtout les femmes, soient exposés à des femmes qui occupent des postes de direction afin qu’elles comprennent qu’elles peuvent elles aussi faire le même travail.

Lisa Bragg :
Souvent, on se demande : « Sont-elles plus intelligentes que moi? » Puis, on les rencontre et on se dit : « Non, je suis certaine que je peux faire le même travail qu’elles. » J’aime beaucoup ce que vous dites.

Vivian Pickard :
Ce qui rend ma carrière unique, c’est que je n’ai jamais postulé un emploi. Je n’ai jamais insisté pour obtenir un poste. Tous les postes que j’ai occupés à General Motors, je les ai obtenus parce que quelqu’un avait vu en moi quelque chose que je n’avais pas vu, même quand je travaillais à l’usine. J’ai pris l’habitude de travailler aussi fort que possible et de faire de mon mieux. De toute évidence, avoir le sens de l’éthique a toujours été très important dans ma famille. C’est l’une des valeurs que j’ai toujours préservée.

Ma mère nous a poussés à être authentiques et à être nous-mêmes. J’ai grandi dans une famille de neuf frères et sœurs. Ceux qui nous connaissent savent que nous sommes tous uniques. Ma mère nous a appris à être forts, à avoir notre propre caractère et à défendre nos opinions, et, surtout, elle m’a toujours dit que j’avais ma place. Alors que j’occupais ces postes de direction, je me rappelais la voix de ma mère qui me disait : « Tu sais quoi? Tu as ta place. Tu peux y arriver. Tu peux y arriver. Tu as… ta place. »

Lisa Bragg :
C’est un cadeau en soi de dire à quelqu’un « Tu as ta place ». Quand les choses deviennent difficiles, car je suis certaine que les choses n’ont pas toujours été faciles… Et c’est formidable qu’on vous ait ouvert des portes, mais je suis certaine… On en parle presque trop, mais beaucoup de gens souffrent du syndrome de l’imposteur. Mais si vous vous dites : « Je… »

Vivian Pickard :
Surtout en tant que femme noire… Les gens disent que leur mère est probablement la personne la plus forte qu’ils ont connue. Ma mère, elle était très forte, et mon père… Certaines personnes envoient leurs filles à l’école ou à l’université pour qu’elles se trouvent un mari. Mon père voulait que chacune de ses filles aille à l’université parce qu’il voulait que nous soyons indépendantes. Il ne voulait surtout pas que ses filles dépendent d’un homme. Il m’a dit : « Ce n’est pas grave si ça arrive, mais je veux que tu fasses des études pour que tu saches que tu peux réussir par toi-même. »

Lisa Bragg :
Vous avez mentionné plus tôt que vous n’aviez pas à demander de promotion et qu’on vous ouvrait des portes, mais selon vous, pourquoi ça se produisait? Parce qu’habituellement les portes ne s’ouvrent pas comme ça par magie. Pensez-vous que c’est parce que vous connaissiez les bons mentors et parrains ou parce que vous faisiez autre chose. Habituellement, on dit généralement : de rester discret, de bien travailler et le travail accompli parlera de lui-même. Mais pour beaucoup d’entre nous, cela n’arrive pas nécessairement. Que faisiez-vous à part faire un travail remarquable et faire preuve d’éthique, qui a contribué à vous ouvrir des portes?

Vivian Pickard :
Je me suis souvent posé la question, Lisa, parce que je sais que de nombreuses personnes, en particulier au sein de l’entreprise où je travaillais, avaient un parcours scolaire plus impressionnant que le mien et qu’elles travaillaient peut-être aussi fort que moi. Je me suis souvent posé la question. Je le répète, j’ai simplement travaillé très fort. Au fil des ans, j’ai essayé de comprendre. Je me demandais « pourquoi moi? » Même en 2008 et en 2009, dans le contexte difficile de la grande crise et de la vague de faillites, tout le monde perdait son emploi. Je me disais que j’étais prête à perdre le mien, mais on m’a dit qu’on voulait que je reste et on m’a offert un poste plus important, et j’étais prête à rester. Mais malgré tout, je me disais : « D’accord. Pourquoi moi? »

Je ne sais pas. J’ai peut-être eu de la chance. Je ne sais pas, mais je ne me considère pas comme étant plus brillante que bien d’autres femmes avec qui j’ai travaillé. Je suis reconnaissante d’avoir été choisie pour occuper de nombreux postes pour lesquels je n’avais pas l’intention de poser ma candidature. Les choses sont tout simplement arrivées. Je dois dire que j’ai aimé tous les postes que j’ai occupés au sein de mon entreprise. Je ne changerais rien à ma carrière. J’ai aimé tous les postes que j’ai occupés, j’ai beaucoup appris et j’ai toujours essayé de faire de mon mieux.

Lisa Bragg :
Je crois que vous étiez également prête à être promue. Vous vous disiez que vous étiez plus intelligente que les autres. Vous avez gagné en confiance à mesure que vous avez gravi les échelons et vous vous êtes démarquée.

Vivian Pickard :
Mon adjointe administrative m’a dit un jour : « Vivian, ce que j’aime le plus chez toi, c’est que tu traites tout le monde de la même façon. Tu traites les adjointes de la même façon que tu traites le chef de la direction. Tu nous montres que nous sommes tout aussi importants que le chef de la direction. » Beaucoup de gens m’ont dit la même chose, y compris le concierge. Le concierge était l’un de mes meilleurs amis, et je raconte souvent l’histoire suivante : un soir je sortais d’une réunion dans l’immeuble. Lorsque je suis arrivée au 27e étage, l’ascenseur s’est arrêté. Il était 22 h. J’ai appuyé sur plusieurs boutons, et rien ne se passait. Je me suis dit : « Oh, mon Dieu, je crois que je vais être coincée ici jusqu’à demain matin. »
Environ cinq minutes plus tard, l’ascenseur est descendu d’un coup jusqu’au premier étage. Lorsque je suis arrivée au premier étage, le concierge était là et il m’a demandé : « Vivian, qu’est-ce qui se passe? » Je lui ai raconté ce qui s’était passé, et il m’a répondu : « Oh, non! Je vais t’accompagner en haut pour que tu puisses prendre ton porte-documents. » Il savait que j’étais très contrariée, donc il m’a accompagnée à ma voiture et s’est assuré que tout allait bien. Il a été gentil avec moi, parce que j’étais gentille avec lui. Ma mère m’a toujours enseigné… et c’est peut-être pour ça que je traite les gens de cette façon… Une des raisons pour lesquelles j’ai réussi, c’est parce que je traitais les personnes de mon niveau et mes supérieurs avec la même considération. J’étais amie avec les administrateurs, les concierges, avec tout le monde. Alors que tout le monde essayait d’avoir une rencontre avec les autres vice-présidents ou d’autres personnes, les adjointes ont toujours bien pris soin de moi parce que je prenais bien soin d’elles. J’ai toujours cru que « tout le monde est important », et c’est comme ça que ma mère traitait tout le monde.

Mes oncles embauchaient des travailleurs que ma mère invitait à sa table et traitait avec la même dignité qu’elle traitait mes cousins et toute autre personne. On m’a toujours inculqué qu’il fallait traiter tout le monde de la même façon. Je ne sais pas, peut-être que cela a à avoir avec le fait qu’on me voyait comme une personne qui traite tout le monde de la même façon, peu importe leur niveau dans la hiérarchie. J’étais très à l’aise avec le chef de la direction, et les chefs de la direction étaient très à l’aise avec moi. C’est peut-être parce que je ne les traitais pas comme s’ils étaient Dieu et que je les traitais d’égal à égal. Les gens restent des gens, peu importe leur titre. Ce sont des personnes comme les autres, et c’est comme ça que je les traite. C’est comme ça qu’on m’a appris à les traiter. Donc, peut-être que c’est un peu pour ça. Je ne sais pas.

Lisa Bragg :
Je crois que c’est certainement un des secrets de votre réussite.

Vivian Pickard :
Oui.

Lisa Bragg :
Les gens le remarquent et veulent être entourés de personnes qui les apprécient et leur prêtent attention à tous les niveaux, et c’est ce que vous faites. Vous avez ce don. Cela me parait aussi intéressant, parce que nous entendons des histoires dans les médias et nous voyons même dans de vieux films la façon dont les femmes se comportaient dans les années 1970, 1980 et 1990. Il n’y avait qu’une seule place à la table. Je me demande même si cette mentalité règne toujours. Je crois que certaines d’entre nous essaient de changer la mentalité qui veut qu’il n’y ait « qu’une seule place à table, donc qu’on ne peut pas aider les autres ». Mais les choses ne se sont pas passées de cette façon pour vous. Beaucoup de femmes vous ont ouvert des portes et sont devenues vos mentores. Racontez-nous votre histoire avec la Dre Height.

Vivian Pickard :
Dorothy Height a conseillé tous les présidents, du président Roosevelt jusqu’au président Obama. Elle a été présidente et chef de la direction du National Council of Negro Women, fondé par Mme Roosevelt. Je me souviens du jour où la Dre Height m’a appelée pour me demander si je voulais siéger à son conseil d’administration. Après avoir repris mes esprits et avec des larmes aux yeux, j’ai dit oui. J’étais étonnée qu’une personne de son calibre pense que j’avais quelque chose à lui offrir. J’ai travaillé avec elle de nombreuses années et j’ai appris tout ce que j’ai pu pendant que j’étais à ses côtés. Elle était incroyable. Elle est décédée en 2008 à l’âge de 98 ans, et j’ai eu l’honneur de prendre la parole à ses funérailles.
Rosa Parks est une autre des personnes que j’ai admirées évidemment. J’ai eu l’occasion de côtoyer Rosa Parks. Le moment le plus marquant de ma vie a probablement été lorsque j’ai eu l’occasion de planifier les funérailles de Rosa Parks à Détroit avec Debbie Dingell, membre du Congrès et une de mes plus grandes mentores. Au début des funérailles, quelqu’un a remercié Debbie Dingell et Vivian Pickard d’avoir aidé à organiser les funérailles à Détroit, et c’est probablement l’une des journées où je me suis sentie le plus fière de ma vie.
J’ai côtoyé des femmes comme elles, j’ai appris d’elles, mais j’ai aussi découvert mes attentes ou ce qu’elles attendaient de moi en tant que femme noire… De toute évidence, l’une des attentes était de veiller à remplir mon rôle de mentore, ce qui est aussi très important pour moi. Avec tout ce que m’ont donné la Dre Height, Debbie Dingell et bien d’autres personnes qui m’ont mentorée, je sens que c’est mon devoir de faire tout ce que je peux lorsque quelqu’un croit que j’ai quelque chose à offrir à d’autres femmes.
Je mentore probablement une vingtaine de femmes sur une base continue. Mon adjointe à General Motors m’a déjà dit : « Vivian, tu vas te ruiner à force d’inviter des femmes à dîner et à souper ». Mais je lui disais : « Je dois le faire ». Je croisais des femmes, elles venaient me voir et elles étaient étonnées que je leur parle. Je leur donnais mon numéro de téléphone personnel et je répondais moi-même à leurs appels. Si je donnais mon numéro personnel, je répondais moi-même aux appels. Je me suis toujours dit que si je donnais le numéro de ma ligne directe aux gens, ils allaient m’appeler. Il n’y avait aucune raison de passer par mon adjointe.

Quand elles appelaient, je leur disais : « D’accord, attendez. Permettez-moi de vous transférer à mon adjointe pour que nous puissions fixer un rendez-vous » et elles me disaient : « Oh, mon Dieu, on m’a dit que c’est ce que vous feriez. » Elles étaient impressionnées que je le fasse. Il y a un certain nombre de jeunes femmes qui m’appellent leur fée marraine. Quelques-unes d’entre elles ont travaillé sous ma direction à General Motors. L’une d’entre elles était tellement talentueuse, mais j’ai dû insister pendant très longtemps pour qu’elle aspire à un poste de niveau supérieur. Je lui ai dit : « Tu seras dirigeante, que tu le veuilles ou non, et je vais t’encourager à le devenir. » Aujourd’hui, elle a quitté General Motors, elle a sa propre société de relations publiques et des clients importants partout au pays. Elle m’a dit : « Je ne serais pas où je suis aujourd’hui si tu n’avais pas insisté, Vivian ». J’ai lui ai dit : « Tu sais quoi? J’ai vu le talent que tu avais et je ne voulais pas que tu le gaspilles. » Je pourrais vous raconter plusieurs histoires comme celle-là.

Lisa Bragg :
Comment vous sentez-vous lorsque les gens reconnaissent ainsi ce que vous avez fait pour eux?

Vivian Pickard :
Je me sens très fière et ça me donne envie d’insister encore plus, car je sais qu’il y a bien d’autres femmes talentueuses sur le marché du travail. Je lui dis souvent. Elle me répond : « Tu sais quoi? Je ne sais pas si j’arriverai à fournir à la demande. » Je lui dis : « Embauche tout simplement plus de personnel. Tu peux y arriver. Agis simplement de façon stratégique. Tu peux réussir au même titre que tous ceux qui ont démarré de grandes sociétés. Tu dois tout simplement définir une stratégie pour l’avenir. Tu peux y arriver. D’accord? »

Lisa Bragg :
Comment êtes-vous devenue une mentore? Les gens ont-ils simplement commencé à frapper à votre porte?

Vivian Pickard :
Vous savez quoi? Je ne sais plus vraiment si cela a commencé parce que quelqu’un a communiqué avec moi ou si c’est parce que j’ai commencé à prendre les choses en main vis-à-vis des femmes. Je crois que c’est plutôt moi qui ai pris les choses en main en disant de certaines femmes qui travaillaient pour moi : « Cette personne est très compétente et peut faire beaucoup plus », et en les encourageant. Cela a donc commencé lorsque j’ai encouragé quelques femmes, et la nouvelle s’est répandue au sein de GM : « Vous savez quoi? C’est quelque chose qui passionne Vivian. Si elle vous appuie et vous encourage, vous pourriez avoir des occasions à saisir. » Je prenais toujours le temps de répondre aux personnes qui m’appelaient, car j’étais de toute évidence l’une des rares dirigeantes noires.
Lorsqu’elles m’appelaient et me demandaient si on pouvait dîner ensemble, ou me disaient qu’elles n’étaient pas satisfaites à leur poste, j’essayais de trouver un moyen de les amener vers quelque chose qu’elles pourraient trouver intéressant. J’ai utilisé mes relations pour les aider de mon mieux. Pour certaines, cela a très bien fonctionné. Quand je vois le travail que certaines d’entre elles accomplissent en ce moment, à l’interne et à l’externe, je suis extrêmement fière. Je crois que ça a commencé par mes encouragements, plutôt que par leurs sollicitations.

Lisa Bragg :
Quel est le principal conseil que vous donnez aux personnes que vous mentorez?

Vivian Pickard :
L’une des principales choses que je leur dis toujours, c’est : « Lorsque vous entrez dans une pièce, que ce soit pour faire une présentation, participer à une réunion, ou avoir une entrevue, soyez un 10. » Je leur dis qu’il faut être un 10 à tous les égards, qu’il s’agisse du niveau de confiance lié à leur façon de marcher, de parler ou de se présenter. Que vous vous présentiez pour un poste d’entrepreneur, de pompier ou de chef de la direction, vous devez vous présenter avec tout ce… Si je passe une entrevue pour le poste de chef de la direction, je me présente en tant que chef de la direction, à tous les niveaux, que ce soit à travers la façon dont je suis habillée ou le degré de confiance affiché lorsque je marche ou je parle… Je me présente en étant un 10. Et c’est ce que je leur dis : « Vous devez vous présenter en étant un 10. » Si je me présente comme un 3, je vais devoir travailler pour devenir un 8, un 9 ou un 10. Mais si j’arrive en étant un 10, visuellement, j’espère que je pourrai rester un 10 ou ne pas descendre plus bas que 8 ou 9. L’élément visuel est important. Qu’on le veuille ou non, c’est important, et c’est ainsi.

Si l’on y réfléchit, c’est quelque chose de courant. Que nous le voulions ou non, que ça nous plaise ou non, c’est simplement la façon dont nous fonctionnons sur le plan psychologique. Ne sous-estimez pas le fait que vous devez entrer dans la pièce en étant à 10, peu importe de quoi il s’agit. S’il s’agit d’une réception où vous essayez de rencontrer des gens, vous devez vous présenter au meilleur de vous-même. Il le faut. Les gens sont attirés par les 10. Dans une réception, les gens veulent toujours savoir qui est ce 10. Ils ne sont pas intéressés par un 3 ou un 4, mais ils veulent savoir qui est cette femme qui se présente comme un 10 à tous les niveaux. Les gens se demandent toujours : « Qui est-ce? » Tout le monde va essayer de savoir de qui il s’agit, ce qui ne sera pas le cas pour un 3 ou un 4. Vous repartirez sans être remarquée, et sans qu’on vous ait parlé, mais tout le monde sera autour de ce 10.

Lisa Bragg :
Nous sommes nombreux à éprouver des difficultés. Nous savons que nous voulons nous présenter comme des 10, mais parfois, être un 10 signifie avoir une apparence différente de celle des autres; il peut s’agir de tatouages, ou nous avons souvent entendu des amies qui sont des femmes noires dire que leurs cheveux posent ou posaient problème à certaines personnes. Pourriez-vous nous parler de cela? Comment se présenter en étant soi-même tout en satisfaisant aux attentes à l’égard du monde des affaires d’hier ou d’aujourd’hui?

Vivian Pickard :
C’est un sujet très important, surtout pour les femmes noires. Il y a 20 ou 25 ans, je me souviens d’avoir dit à une femme noire qui voulait être elle-même, que, malheureusement, dans l’entreprise où nous étions, les choses étaient très traditionnelles et qu’elle ne pouvait pas être elle-même. Malheureusement, c’était une réalité il y a 25 ans. Mais je n’oserais dire cela à personne maintenant, parce qu’aujourd’hui, grâce à toute la formation qui se fait dans les entreprises, espérons-le, nous devons tous comprendre que lorsqu’une personne entre dans une pièce, elle peut être un 10 avec son tatouage. Elle peut être un 10 avec ses cheveux, peu importe comment ils sont coiffés, tant qu’elle se présente de façon soignée et appropriée. Elle peut porter une belle tenue d’affaires en ayant un tatouage sur sa main ou sur sa jambe. Elle peut avoir l’air d’une vraie femme d’affaires en arborant un tatouage sur sa jambe et en portant des tresses dans ses cheveux.

Tant qu’elle a une apparence soignée et une tenue convenable, et qu’elle se présente en ayant confiance, ses cheveux ou ses tatouages ne devraient pas avoir d’importance. Mais je crois qu’en recevant cette personne, nous devons nous dire : « Je vais aller au-delà de ce préjugé et considérer cette personne comme étant très authentique. » J’espère que c’est ce que les entreprises recherchent : des personnes vraiment authentiques. Je n’oserais pas dire à qui que ce soit qu’il faut faire ceci ou cela. Soyez vous-même. Et – je parle pour moi et pour les autres –, je crois que nous devons d’abord comprendre que nous avons tous des préjugés. Peu importe qui vous êtes; et ceux qui disent qu’ils n’en ont pas mentent. Nous avons tous des préjugés. Nous en avons tous, que cela concerne les cheveux, les ongles ou la façon de s’habiller, peu importe. Nous devons tous simplement comprendre que nous avons des préjugés et les retirer de notre tête en nous disant : « Vous savez quoi? Cette personne est elle-même. Ce n’est peut-être pas moi, mais cette personne peut être très intelligente et avoir un tatouage sur tout le corps. C’est ce qu’elle choisit d’être. »

J’ai parlé à des gens qui, de toute évidence, ont vécu dans leur vie beaucoup de tragédies touchant leur mère, leur père ou leurs frères et sœurs, et leurs tatouages reflètent la douleur qu’ils ont connue dans leur famille. Je crois que nous devons tous mettre de côté nos préjugés et nous dire : « Il s’agit d’une personne. Oublie le tatouage, les cheveux ou quoi que ce soit d’autre, regarde la personne authentique et passe outre ces niaiseries. »

Lisa Bragg :
« Passe outre ces niaiseries » – j’adore ça! Vous essayez même une église différente maintenant, pour sortir de votre zone de confort. Nous sommes souvent dans une zone de confort, mais il s’agit vraiment de la façon dont nous rencontrons différentes personnes et dont nous nous entretenons avec elles. Parlez-m’en un peu.

Vivian Pickard :
Je suis administratrice dans une église baptiste très traditionnelle où vous devez porter une tenue appropriée. La tenue est très formelle, si vous voulez, avec les chapeaux, les costumes, etc. L’ensemble du service est très traditionnel. Au début de 2019, j’ai évidemment suivi beaucoup de formations sur les préjugés. Vers 2018, une de mes amies m’a demandé si je pouvais venir visiter son église. J’ai répondu : « Bien sûr », et j’ai été surprise qu’elle et son mari soient maintenant très actifs dans une église. J’ai donc décidé d’y aller. Je me suis habillée à la manière traditionnelle de l’Église baptiste.
Je me suis sentie bête, parce que tous les gens là-bas étaient très jeunes et très décontractés. Certains d’entre eux portaient des survêtements, mais j’y ai réfléchi et je me suis dit : « Pour bon nombre de ces personnes, si je les voyais dans la rue, je les craindrais, mais elles sont ici, dans cette église, avec leur famille et leurs bébés. Elles se tiennent debout, louant Dieu et lui rendant grâce en famille, mais leurs pantalons tombent un peu. » Je me suis dit que c’était vraiment ça, le fait d’avoir des préjugés. Tout le monde devrait venir et voir ces personnes qui sont ici, dans l’église, pour véritablement comprendre ce que veut dire avoir des préjugés.

J’utilise très souvent cet exemple qui illustre la façon dont j’ai fait le point avec moi-même et compris que nous devons arrêter d’avoir des préjugés sur les gens ou de nous faire une opinion sur eux en fonction de leur apparence, car il est important pour nous d’aller au-delà de cela. Je vais souvent à cette église. Je porte mon survêtement, j’enfile mon manteau et j’y vais. Je n’ai pas à me soucier de ma tenue, et j’adore ça. J’y vais probablement maintenant davantage qu’à mon église – je ne le dirai pas à mon pasteur –, car je me sens plus à l’aise là-bas. Ces personnes ne se sentiraient jamais à l’aise dans mon église.

Lisa Bragg :
Vivian, vous êtes passée d’une entreprise – vous avez fait carrière pendant 40 ans dans une grande entreprise – à l’entrepreneuriat. Parlez-moi du fait d’être entrepreneure. Et vous êtes une investisseuse. Vous êtes non seulement une entrepreneure, mais aussi une investisseuse. Parlez-moi de la transition vers cette nouvelle vie pour vous.

Vivian Pickard :
Eh bien, je m’amuse en tant qu’entrepreneure. J’ai évidemment grandi dans un… Mon père était un entrepreneur. Mon ex-mari est un grand entrepreneur. J’ai toujours baigné dans cet environnement. Lorsque j’ai pris ma retraite de General Motors, je comptais jouer au golf et m’amuser, mais le chef de la direction d’une entreprise m’a appelée pour me demander si je voulais travailler avec lui en tant que consultante. Puis, j’ai reçu l’appel de quelques organismes sans but lucratif, qui étaient prêts à me payer et à m’offrir une provision d’honoraires, et je me suis dit : « Attends une minute, peut-être que ça pourrait devenir une entreprise. »

Sur ce, j’ai décidé de me lancer, parce que toutes les occasions semblaient vraiment intéressantes et ne me donnaient pas l’impression d’être du travail, mais quelque chose que je serais heureuse de faire. J’ai donc accepté les mandats et, depuis, mon entreprise a continué à croître. J’ai vraiment beaucoup de plaisir à en apprendre davantage sur les nouvelles entreprises et à contribuer à l’expansion des affaires, à la stratégie d’affaires, aux collectes de fonds; ce sont des choses que j’aime faire, et des gens semblent penser que je suis plutôt bonne dans ce domaine. Je m’amuse, et aussi, en ayant ma propre entreprise, j’ai l’occasion de pouvoir jouer au golf aussi souvent que je le veux et de passer autant de temps que je le souhaite avec ma famille et mes amis. L’une de mes amies ne cesse de me dire : « Vivian, tu dois écrire un livre sur la façon de prendre sa retraite parce que tu excelles à ce chapitre. » Je lui ai répondu que je m’amuse vraiment.

Lisa Bragg :
Vous êtes également très occupée parce que vous faites votre part pour la collectivité de bien des façons, et faire votre part a été un aspect fondamental, un pilier pour vous. Dites-nous sur quels projets vous travaillez en ce moment.

Vivian Pickard :
Il s’agit du Motown Museum, et nous amassons des fonds pour un agrandissement de 40 000 pieds carrés. C’est un projet de 55 millions de dollars. Mesdames, vous devez venir le visiter lorsque vous serez à Détroit. Je vous le dis, il est incroyable. Lors de la création de Motown, et de toute la musique qui en est sortie, ces bâtiments en faisaient partie. Ils existent toujours et seront intégrés au Motown Museum.

Ce qu’il y a de bien, Lisa, c’est la perspective de justice sociale, qui est si importante en ce moment dans le monde entier; déjà dans les années 1970, Motown comportait un élément de justice sociale. C’était l’une des rares organisations à rassembler tout le monde. Si vous pouviez voir toute la musique des années 1970… peu importait la couleur, les gens étaient unis et produisaient de la musique ensemble. C’est une autre chose qui m’emballe : j’espère que la musique, la mise en valeur de la musique et le Motown Museum pourront contribuer à rassembler de nouveau les communautés.

Lisa Bragg :
Vivian, à Audacieu(se), nous posons toujours ces trois questions : Quelle est votre réalisation la plus audacieuse?

Vivian Pickard :
Ce que j’ai fait de plus audacieux, c’est lorsqu’un de mes collègues a fait certaines choses. Il me voyait comme sa concurrente, et il essayait toujours de me rabaisser pour se mettre en avant. Lorsque j’ai entendu parler de quelque chose qu’il avait fait, je l’ai emmené dans son bureau et l’ai en quelque sorte… intimidé. Je l’ai intimidé. Je l’ai coincé et lui ai dit des choses dont je n’aurais probablement pas été fière. Après avoir dit ces choses, je lui ai dit que je nierais les avoir dites. Je crois que c’était très audacieux de ma part de dire cela, mais que c’était nécessaire.

Après cela, je n’ai plus eu aucun problème. Lui et moi sommes devenus des amis. Parce que j’étais toujours heureuse et souriante, je crois qu’il me voyait comme une femme à qui il pouvait faire des choses stupides sans être inquiété. Je crois l’avoir pris au dépourvu lorsque je suis allée le voir pour lui dire : « Si tu as des problèmes avec moi, viens me voir. Parlons-en. Tu n’as pas besoin de dire ou de faire ces choses pour te mettre en avant. Nous pouvons travailler ensemble. » Mais la principale chose qui en est ressortie, c’est que lui et moi sommes devenus de très bons amis. Encore aujourd’hui, nous sommes de très bons amis.

Lisa Bragg :
À quel moment auriez-vous aimé être plus audacieuse?

Vivian Pickard :
Je crois avoir une assez bonne réputation à ce chapitre. En fait, j’ai toujours eu la réputation d’être très franche; il ne faut pas me demander mon opinion si vous ne la voulez pas, car je vais vous la donner. Je crois que j’ai été assez audacieuse dans ma carrière. Encore une fois, pour en revenir à ma mère, elle était très audacieuse et a poussé ses enfants à l’être aussi. Il y a peut-être eu des situations… Il y a peut-être eu une fois à l’externe où j’aurais probablement pu en faire plus pour défendre quelqu’un qui était pris dans une mauvaise situation, mais je ne l’ai pas fait parce que je n’avais pas tous les renseignements dont j’avais besoin à ce moment-là, et je me suis sentie mal. Mais je n’avais pas les renseignements nécessaires pour dire ce que je devais dire…

Lisa Bragg :
Rétrospectivement, les choses sont toujours parfaitement claires, n’est-ce pas?

Vivian Pickard :
Oui.

Lisa Bragg :
Que diriez-vous à la petite fille de 12 ans que vous étiez?

Vivian Pickard :
Tu peux le faire. Peu importe de quoi il s’agit, tu peux le faire. Toutes les craintes que j’ai ressenties en passant d’un endroit à l’autre, en me disant que tout le monde était bien plus brillant que moi – ce n’est pas le cas. Je me dirais : « Tu peux le faire. Tout ce que les autres peuvent faire, tu peux le faire aussi. Aie la certitude que tu en es capable. »

Lisa Bragg :
Merci Vivian, de vous être jointe à nous aujourd’hui. C’était Vivian Pickard du Pickard Group.
Je m’appelle Lisa Bragg et vous écoutiez Audacieu(se), un balado relatant des histoires de femmes qui se distinguent, destiné à leurs semblables, et qui vous est présenté par BMO pour Elles.
Sachez que si vous aimez notre balado ou vous y abonnez, plus de gens le trouveront. Merci de contribuer à passer le mot.
Merci à notre équipe de MediaFace. Merci de nous écouter.

 

À propos du balado :
Présenté par BMO pour Elles et animé par la journaliste et entrepreneure primée Lisa Bragg, Audacieu(se) propose des entretiens qui suscitent la réflexion et qui incitent les auditeurs à prendre des décisions audacieuses, dans la vie comme en affaires.